Le Siècle, le 28 février 1864

Correspondant de guerre

Oscar Comettant est correspondant de Guerre pour le journal parisien Le Siècle dans la dispute Holstein-Schlewing du Danemark se défendant contre la Prusse et l’Autriche.

 

Lubeck, 22 février 1864

Parti de Paris avec la mission que vous avez bien voulu me donner d’aller au Danemark pour assister aux événements dont ce malheureux pays est le théâtre, je profite d’une heure pendant laquelle le steamer qui doit me conduire à Copenhague chauffe sa machine pour vous raconter mon excursion à Slechwing .

 

Parti de Hambourg, nous arrivons à Rendsburg (106 km) à huit heures du soir. Rendsburg est une petite ville fortifiée sur le canal de l’hyder, et la dernière à la frontière du Holstein. Toutes les maisons sont pavoisées, mais cet air de fête contraste singulièrement avec l’aspect morne des habitants. Ils sont tous enfermés chez eux, et on ne voit dans les rues que des troupes austro-prussiennes, des trains de bagage, des couvertures, etc.

Je veux me loger, impossible de trouver ni une chambre ni un lit. J’avise une chaise où j’aurais pu, comme Napoléon 1er à la veille d’Austerlitz, sommeiller une heure et demie; cette chaise même est louée par un officier prussien qui en prend possession sous mes yeux. Si du moins j’avais pu trouver quelque chose à boire ou à manger; mais les soldats se sont tout approprié, et j’en suis réduit à aller l’estomac creux, me promener dans les rues de la ville couvertes de deux pieds de neige.

 

Tout à coup la nouvelle se répand que les Autrichiens sont entrés à Schleswig. Cette nouvelle produit parmi les troupes un effet d’enthousiasme. Seuls les habitants de Rendsburg restent calmes. Ils semblent indifférents à tout ce qui se fait autour d’eux. - Le bonheur d’avoir été délivré du joug des Danois les rend muets, me dit un officier prussien. - Je voulus bien le croire, et je résolus d’utiliser le temps de loisir qui m’était fait forcément donné à me rendre à Schleswig (33 km)  L’entreprise était pénible, mais mieux encore valait passer la nuit à marcher vers cette ville que d’enfoncer sans but dans la neige de Rendsburg.

 

En route pour Schleswig

Je trouvai un compagnon de voyage, et nous voilà partis par 14 degrés centigrades, ne connaissant aucun chemin, mais gaiement.

 

Le chemin, heureusement, n’était difficile, ni à trouver ni à parcourir. C’est une chaussée à peu près en ligne droite, flanquée de deux talus d’environ six pieds d’élévation. Ces talus sont destinés à protéger la route des inondations assez fréquentes dans ces parages. Le pays tout entier a un aspect de désolation que rendaient plus triste encore les événements du moment. Des marais bordent la route sur laquelle nous marchons deux heures sans rencontrer âme qui vive.

 

Aussi loin que la vue peut s’étendre, ce sont des bruyères presqu’entièrement couvertes de neige. Une lumière nous apparait au loin. Nous doublons le pas et nous arrivons à la porte d’une pauvre cabane abandonnée. Partout, sur cette misérable habitation, on voit l’empreinte des balles. Sur la neige des mares de sang sont gelées. Nous pénétrons à l’intérieur; l’étable est vide, et dans les chambres les meubles sont renversés. Un chien, le dernier gardien de la cabane danoise expire d’un coup de baionnette à côté d’une lampe restée allumée.

Nous continuons notre marche. Nous avons encore six lieues à faire pour atteindre Schleswig et le froid devient de plus en plus vif.

 

Quelques chaumières sont, comme la première, servi d’embuscades ou de refuge aux blessés. Nous ne faisons qu’y jeter un coup d’oeil en passant. Elles sont abandonnées.

 

Enfin, nous atteignons une auberge occupée par un arrière-poste autrichien; une sentinelle barre la route; nous lui offrons un cigare, elle en prend deux et nous passons.

 

Dans l’auberge où nous pénétrons se trouvent quelques bancs, des tables, mais point de feu. Trois blessés autrichiens sont couchés sur un mince matelas; les malheureux soupirent à la fois de leurs blessures à peine pansées, du froid et de la faim; ils n’ont rien mangé depuis vingt-quatre heures. Quelques soldats valides sont attablés et jouent aux cartes. Ils prennent mon compagnon véritablement pour un Viennois, et ils nous parlent de Magenta et de Solferion. Ces braves gens ont si peu l’idée de ce qui a amené leur intervention dans le Holstein, qu’ils nous ont demandé pourquoi ils se battaient, et mon compagnon leur a répondu en toute franchise qu’il n’en savait, rien lui-même.

 

Le jour commençait à poindre, et après nous être remis en route nous rencontrâmes un certain nombre de convois de blessés. Pour ralentir la marche des troupes ennemies, les Danois avaient fait sauter les ponts. Le dégel commença subitement. Nous pataugions dans un bourbier affreux. Par moments nous enfoncions jusqu’aux genoux. C’est ainsi que l’armée tout entière a marché durant plusieurs heures. Qu’on s’étonne après cela du grand nombre de malades à la suite de cette campagne!

 

L'arrivée à Schleswig

Enfin nous sommes à Schleswig. J’examine les moyens de défense, et je vois du côté de la route de Rendsburg un premier ouvrage en terre de trente à quarante pieds de hauteur. Tout autour sont des marais et des étangs profonds. La chaussée était barricadée d’une manière formidable; mais les Danois ayant appris que malgré le dégel le Schlei avait été assez fortement glacée pour permettre le passage à l’ennemi, ils se virent tournés et battirent en retraite après avoir fait sauter un pont. Derrière ce pont se trouvait une seconde barricade. C’est là que le duc de Wurtemberg (Alexandre de Wurtemberg), commandant le régiment autrichien le Roi-des-Belges, a eu les doigts d’un pied emportés.

 

La ville présentait un aspect désolé! Les morts gisaient un peu partout, et cinq ou six maisons écroulées attestaient la connonade; les hôpitaux et plusieurs maisons particulières étaient remplis de blessés danois, autrichiens ou prussiens. Sous un hangar nous voyons empilés cent cinquante cadavres environs. Ils étaient tous blessés à la poitrine ou à la tête, et se trouvaient déjà complètement gelés. Comme pour couronner cet édifice de mort, on voyait par-dessus tous les cadavres, un jeune officier danois dont l’épaule et le bras avaient été emportés par un boulet.

 

Les Autrichiens ont fait à Schleswig et dans les forts du Danewerke six cents prisonniers parmi les troupes restées pour protéger la retraite d’un gros de l’armée danoise. Cette résistance, qui n’a guère durée que trois heures. a coûté trois cents morts aux Autrichiens.

 

Quant à la population de Schleswig, elle semblait consternée. Partout on voyait des femmes se lamenter et demander des secours pour les blessés de leur famille.

 

En attente du départ pour Copenhague

Le séjour de Schleswig n’a rien de bien agréable, aussi suis-je reparti dès que je l’ai pu, pour m’embarquer ici; malheureusement, au moment de fermer cette lettre, on m’apprend que le bateau à vapeur pour Copenhague ne partira pas aujourd’hui, par suite du mauvais état de la mer.

 

Me voilà donc retenu forcément à Lubeck jusqu’à ce que le vent, qui souffle violemment du nord-ouest, ait changé de direction. Toutes les autres voies de communication entre le Danemark et l’Allemagne sont interdites par les troupes des armées alliées. Or, vous savez l’amabilité avec laquelle ils ont traité mon confrère M. d’Arnoult. Ils ne se sont guère montré plus aimables envers les correspondants des journaux allemands, qu’ils ont tous chassés de Schleswig.

RECHERCHE SUR LE SITE  

(Exemple: Henri+Menier)



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Livres et documents sur Anticosti

(50) (Nouveau)

Cahiers d'entretiens avec des Anticostiens (1976-1981) par LUC JOBIN, 160 pages

(49) (Nouveau)

Collection Desbiens

 Ces 174 photographies font partie de la collection Desbiens. Ces documents sont présentés pour la première fois grâce à LUC JOBIN.

(47) Le journal LE SOLEIL publie en 1897, 1898 et 1899, et rapportées ici, les actualités, rumeurs et nouvelles qui provenaient de l'île d'Anticosti au début de l'ère Menier.

(46) Actes Notariés - en 1899 Henri Menier achète de 26 habitants anticostiens 28 lots de terrains et habitations dans le but de devenir le seul propriétaire sur l'île.

(45) Anticosti sous Gaston Menier (1913-1926) par Rémy Gilbert. Document inédit de 24 pages par l'auteur du livre «Mon île au Canada», 1895-1913, les Éditions JID.

 

(44) Suite à une demande de Menier pour la concession de lots de grève et de lots à eau profonde à Baie-Ellis, Félix-Gabriel Marchand, premier ministre et Simon-Napoléon Parent, maire de Québec font une visite sur l'île d'Anticosti (voyage raconté par le journaliste du journal Le Soleil, 1898). 4 pages.

 

(43) Gaston, Albert et Henri Menier, leurs yachts en image. référence: Voiles/Gallimard, Les mémoires de la mer, Jack Grout.

 

(42) 1827, naufrage du Harvest Moon au large d'Anticosti. En 1928 le fils d'un naufragé raconte.

 

(41) En 1850 on envisageait de faire de l’île d’Anticosti, une prison. Journal Le «Canadien», le 21 juin 1850

 

(40) Le steamer «Le Merrimac» s'échoua sur l'île d'Anticosti en 1899. Le journal Le soleil raconte l'aventure, liste des passagers et biographie de l'un d'entre eux, un québécois.

 

(39) L'Aberdeen, un steamer de ravitaillement des phares s'échoua en 1899 près du cap Jupiter, Anticosti; un passager raconte.

 

(38) M. Clarke Wallace (1844-1901) membre du parlement canadien était un adversaire de l’île d’Anticosti de M. Menier. LA PATRIE, LE 11 AOÛT 1899

 

(37)  En 1902, l'honorable Charles Marcil, député de Bonaventure livre à un journaliste ses impressions sur Anticosti. M. Marcil est le grand-père de la comédienne Michèle Tisseyre.

 

(36) Bail entre Gaston Menier et la commission du Hâvre de Québec, pour la location de locaux au Bassin Louise de Québec, le 29 décembre 1920, devant notaire.

 

(35) Vente d'Anticosti le 19 juillet 1926 à la Wayagamac Pulp and Paper devant le notaire E.G. Meredith.

 

(34) Exploration Vaureal-Jupiter, Anticosti, entre le 7 et le 28 mars 1901 par Ovila Montreuil ingénieur civil, assistant de Jacquemart, chef du service des travaux.

 

(33) Le Croiseur anglais HMS Pallas s'arrêta à Anticosti en 1900, dont le capitaine était l'Honorable Walter G. Stopford. Article paru dans le Petit Journal Militaire, Maritine, Colonial le 25 septembre 1904.

 

(32) NOTAIRES - 20 actes notariés du temps de Menier

 

(31) L'acte de vente d'Anticosti à Menier le 18 décembre 1895 devant le notaire William Noble Campbell

 

(30) Le testament de Louis-Olivier Gamache le 22 septembre 1851 devant le notaire Jos. Pelchat

 

(29) Rapport du ministre de l'agriculture de la Province de Québec, 1909.
Lauréat de la médaille d'argent et du diplôme de Très-Grand-Mérite:
Alphonse Parent, Baie Ellis, Anticosti.
Index de 57 noms, 16 pages

 

(28) Lettre de Mgr J.C.K. Laflamme à Henri Menier, septembre 1901 

 

(27) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K Laflamme le 17 juillet 1901

 

(26) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 juillet 1901

 

(25) Lettre de Henri Menier à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 octobre 1901

 

(24) Permis de séjour du 15 août au 30 septembre 1901 délivré à Monseigneur J.C.K Laflamme par L.O. Comettant.

 

(23) En 1899, 16 journalistes ont visité l'île Anticosti. Voici ce qu'ils ont raconté.

 

(22) Titre en faveur de Louis Jolliet par Jacques Duchesneau, 1680

 

(21) L'île Ignorée, TOME 2, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 303 noms, 42 pages.

 

      L'île Ignorée, TOME 1, par Georges Martin-Zédé, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 114 noms et 24 illustrations, 33 pages.

 

(20) Voir le vidéo, journal LE MONDE

Jerôme Verroust, journaliste français, parle du parcours de guerre de son arrière-grand-père, Fernand Le Bailly sur cet entretien vidéo au journal Le Monde. Fernand Le Bailly a séjourné sur l’île Anticosti à partir de 1896. Il était marié à Simone Lavigne, petite-fille de Oscar Comettant.

 

(19) Monographie de l'île d'Anticosti par le docteur Joseph Schmitt, 1904, 370 pages.

 

(18) À la mémoire de feu Arthur Buies, journal le Soleil, le 28 janvier 1901.

(17) Arthur Buies, journal le Soleil, Lettre à Ernest Pacaud, le 30 septembre 1899.

 

(16) Arthur Buies, journal Le Soleil, Anticosti, le 23 septembre 1899.

 

(15) La date de la mort de Jolliet, 1886, par l'abbé Cyprien Tanguay

 

(14) Projet de perpétuer le souvenir de Jolliet, 1980, par Luc Jobin, article de Monique Duval, Le Soleil.

 

(13) Lettre de Mgr Charles Guay à Mgr Clovis-Kemner Laflamme, 1902

 

(12) Notice sur l’île Anticosti par Jules Despecher (1895), 6 pages

 

(11) Anticosti par Damase Potvin (1879-1964), 6 pages

 

(10) Le journal de Placide Vigneau (1842-1926) 

 

(9) Histoire et légendes d'Anticosti. Jolliet, Gamache, Ferland, Vigneau et les naufrages, 6 pages.

 

(8) Lettre de Fernand Le Bailly à Mgr. Joseph-Clovis K. Laflamme en 1905.

 

(7) Correspondance du Consul de France, M. Kleskowsk.

 

(6) Cahiers-carnets-agendas de Martin-Zédé (1902-1928).

 

(5) Registre de pêche aux saumons (1896-1928) de Henri Menier sur l'île Anticosti.

 

(4) Entrevue avec Luc Jobin, par Lucien Laurin, le 8 avril 1982.

 

(3) Anticosti 1900, C. Baillargé, 14 pages. (Lire sur Ipad)

 

(2) Oui, j'ai aimé... ou la vie d'une femme, Thyra Seillières, 1943, conjointe de Henri Menier, 244 pages. (Lire sur Ipad)

 

(1) Anticosti, esquisse historique et géographique par Nazaire Levasseur, 1897, 40 pages. (Lire sur Ipad)

 

(0) Lettres de l'Ile Anticosti de Mgr Charles Guay, 1902, 312 pages.

Le 30 mars 2011

 

Rajout: 77 partitions musicales de la main de Lucien Comettant alors qu'il était gouverneur de l'Ile Anticosti. Ces documents dormaient dans une boite depuis 100 ans. Il s'agit de pièces musicales de style victorien pour piano (et violon).

 

Plusieurs livres ont été ajoutés dans la bibliothèque dont:

 

(1) La ville de Québec sous le régime français, volume 1, 1930, 549 pages 

     La ville de Québec sous le régime français, volume 2, 1930, 519 pages

 

(2) Zéphirin Paquet, sa famille, sa vie, son oeuvre. Québec, 1927, 380 pages. Notre arrière-grand-mère était la fille de Zéphirin. Il est le fondateur de la Compagnie Paquet de Québec.

 

(3) L'île d'Orléans, livre historique publié en 1928, 505 pages

 

(4) La biographie du docteur Ferdinand Philéas Canac-Marquis écrite par Nazaire LeVasseur, 1925, 276 pages. Ferdinand est le frère de Frédéric Canac-Marquis, notre arrière-grand-père.

 

Nazaire LeVasseur, l'auteur, est le père de Irma LeVasseur, première médecin femme canadienne-française et fondatrice de l'hôpital Ste-Justine. Il avait été l'agent de Henri Menier et de Martin-Zédé à Québec pour l'entreprise Anticosti.

 

Pauline Gill a récemment écrite un roman historique sur Irma LeVasseur et parle dans son livre de Nazaire LeVasseur et de Ferdinand Canac-Marquis, fils de Frédéric Canac-Marquis