Sphinx — (Elspeth = Surrirella (1881)) — Velleda — Almée — (Zaria = Bacchante (1897))
C'est également sur les eaux de la Marne et de la Seine que Henri Menier (l'industriel du chocolat) s'initie à la manœuvre d'un voilier.
Entre-temps, il étudie l'architecture navale et la construction des yachts ainsi que la fabrication des voiles, aussi c'est sur d'excellents et jolis bateaux, sortis de ses mains de la quille à la pomme du mât, qu'il tire ses premiers bords en rivière.
Dès que la manœuvre d'un voilier n'a plus de secret pour lui, il se tourne vers l’étude de la navigation à vapeur. Il commence par de petites embarcations dont il est à la fois le capitaine, le mécanicien et le chauffeur.
Très ingénieux et chercheur de nature, Henri Menier les transforme et leur apporte de constants perfectionnements. Puis il se sent mûr pour la grande navigation en mer et se rend acquéreur d'un steam-yacht. Le Sphinx.
Ce yacht, de proportions confortables, subit dès le début des transformations apportées par le yachtsman novateur. Appliquant la récente invention de la machine Gramme, il installe à bord du Sphinx le premier projecteur électrique ayant équipé le pont d'un bateau, système qui sera adopté par la suite sur les navires de la Marine nationale.
En 1881, Henri Menier achète en Angleterre le steam-yacht de 181 tx Elspeth mesurant 40 m de longueur hors tout sur 5,20 au maître bau; il a été construit en 1877; il le rebaptise Surrirella. Aussitôt il s'embarque et pendant trois ans il navigue sur toutes les mers d'Europe et sur les littoraux des terres voisines d'Asie et d'Afrique.
Dans le sud, il visite l'Espagne, le Portugal, le Maroc, l'Italie méditerranéenne et adriatique, la Grèce, l'Asie Mineure, Constantinople, puis sillonne de son étrave les flots de la mer Noire et les eaux boueuses du Danube qu'il remonte jusqu'aux Portes de Fer.,
Dans le Septentrion, il croise encore tour à tout dans les eaux belges, hollandaises, danoises; puis las des horizons trop fréquentés, il met le cap sur la Norvège, fait escale à Hammerfest, tout près du cap Nord et de là, son pont chargé de sacs de charbon, se dirige hardiment vers l'inconnu et pénètre dans les régions inexplorées de la mer polaire.
Henri Menier atterrit au Spitzberg, où il aborde plusieurs points de la côte, entre autres dans le Bell-Dund et l'Ice-Fjord et côtoie, sans malheureusement pouvoir aborder, la terre du Prince-Charles.
Mais le combustible s'épuise et le navigateur, non sans regret, se voit contraint à faire de nouveau route sur la Norvège après 25 jours passés dans le pays du froid.
À force de volonté et de constance, Henri Menier fait rendre à son bateau plus qu'il ne doit, se voyant limité par l'absence de trois facteurs indispensables à tous yachts destinés aux traversées au long cours dans des zones maritimes inconnues:
Ces qualités, Henri Menier les trouve dans le trois-mâts-goélette Velléda, ex-Nubienne, ayant appartenu à M. Edmond Blanc.
Ce magnifique steam-yacht mixte, de 575 tx de gauge, est l'un des trois plus grands de la flottille de plaisance du moment. Il file aisément plus de 12 nœuds de moyenne, vitesse que sa voilure porte à 14 nœuds lorsque les vents sont portants.
Les 330 tonnes de charbon, dont les vastes soutes permettent d'approvisionner Velléda, lui garantissent trente-cinq jours de marche sous vapeur sans ravitailler, ce qui l'autorise à accomplir les plus grandes traversées du globe.
Muni de tous les perfectionnements les plus nouveaux, machines à gouverner, machine et ventilateurs électriques, machines réfrigérantes et chambres froides pour la conservation des viandes fraîches et denrées périssables, etc., Velléda, avec ses emménagements où le luxe le dispute au confort, est le yacht type de grandes croisières de cette fin de siècle.
Aussi M. Henri Menier fait-il, sans autre trêve que ses servitudes chocolatières, voir et revoir du pays à son yacht! De la Méditerranée à l'Adriatique, aux côtes d'Égypte, au canal de Suez, de la mer Rouge à Aden, Obock, etc., et seules les quarantaines, résultant d'une grave épidémie en Inde, l'empêchent de pousser de ce côté jusqu'à l'Extrême-Orient.
De nouveau, l'infatigable et infatigable marin se retrouve vers le Grand Nord où l'appellent les séduisants souvenirs de son premier voyage, rendu trop court à son gré, par le manque de rayon d'action. Or avec Velleda sous les pieds, il se sent un autre homme.
Le voilà de nouveau qui met le cap vers le pôle Nord. Mais le 15 juillet 1886, par 81 degré de latitude, la banquise lui barre la route, faisant échouer son projet de planter le pavillon sur l'axe symbolique du monde.
Il rapporte néanmoins de sa belle tentative une curieuse collection de trophées cynégétiques et géographiques et de nombreuses et précieuses indications sur la faune arctique.
Amateur photographe très éclairé, il réunit un lot de 600 vues de paysages hyperboréens et des côtes du Spitzberg. Cette collection unique à l'époque lui vaut une médaille d'argent à l'Exposition universelle de 1889.
Avec Velleda, Henri Menier visite encore l'Écosse de l'Islande. Au cours de cette croisière entre l'Islande et le Groenland, le yacht est resté plusieurs jours prisonnier des glaces flottantes. Elles l'entourent étroitement, se soudent autour de lui, à perte de vue et si élevées qu'elles dépassent les pavois et mette le puissant yacht dans une situation extrêmement critique.
Henri Menier peut heureusement et sans trop grandes avaries dégager Velleda de ce redoutable danger.
Entre ses croisières, Henri Menier fait construire un vapeur de rivière, l'Almée, œuvre entièrement personnelle. Il en crée et dessine seul tous les plans de coque, de machines et d'emménagements.
Déplaçant 100 tx. Almée est construit en acier galvanisé (encore une innovation), par les chantiers de la Seine à Argenteuil. Il possède deux machines développât ensemble 500 HP qui actionnent deux hélices. Ces deux machines sont complètement indépendantes. Les chaudières, propulseurs et tous les auxiliaires figurent en double, de manière qu'une avarie ne puisse arrêter la marche du bateau.
En 1897, Henri Menier s'offre un autre steam-yacht, le Zaria, de 973 tx. Il le rebaptise du nom de Bacchante. Avec ses 62 m. hors tout, il devient à son tour le troisième grand yacht français du moment. Il appareille du Havre le 6 juin 1898 pour se rendre sur l'île d'Anticosti dont il fait l'acquisition en 1895.
Après une escale le 19 juin à Saint-Pierre-et-Miquelon, il arrive dans le golfe du Saint-Laurent (Québec, Canada) où est située son île, le 22 juin, après une dure traversée de vent debout et de brume.
Sur Anticosti, Henri Menier trouve un temps superbe et une chaleur intense, de quoi faire fondre les échantillons de sa production de chocolat qu'il a toujours le soin d'emporter, quand il visite des pays étrangers...
Tel est Henri Menier, ancien membre du Conseil du Yacht-club de France et vice-président de l'Union des Yachts français à la création de laquelle il a pris une part importante.
Julie (1883) — Ariane
Gaston Menier n'a pas, comme son frère, sillonné les océans en tous sens, mais néanmoins il possède quand même un très joli petit yacht (tout est relatif) de 100 tx: Julie. Construit en 1883 en Angleterre, ce bateau est entièrement bordé en acier. Il est doté d'une machine de 750 HP, semblable à celle mise en place par la Marine nationale sur les torpilleurs, ce qui lui permet de filer ses 15 nœuds.
La puissance de cette machine, accompagnée d'une fausse manœuvre, lui joue par ailleurs un mauvais tour au moment où il va entrer au bassin de Deauville.
«La Julie, qui représentait au bassin en moyenne vitesse, trouva sa route barrée par le pont tournant fermé à ce moment. Le capitaine commanda à la machine de faire «arrière à toute vitesse» mais, soit fausse manœuvre de l'appareil, soit fausse interprétation du personnel machine, le yacht fut lancé «en avant toute vitesse»...
La Julie s'engouffra comme une flèche sous le pont tournant avec pour résultat ses mâts, sa cheminée et son roof rasés, le tout la réduisant à l'état de ponton!»
À rapprocher de cet accident celui survenu quelques années plus tôt au Havre à Almée qui se préparait à transiter du bassin de Commerce dans celui du Roi. Debout au quai, le capitaine d'Almée commande en «arrière toute» et le mécanicien obtempère à l'envers et répond par un magistral en avant !
Almée percute de plein fouet la muraille du quai. Bilan: un avant très écrasé! On a dit qu'il y avait ce jour-là un certain règlement de compte pont et machine, dépourvu, c'est le moins que l'on puisse dire, de courtoisie, Mais de toute façon, dans ce genre «d'incident», les appareils ont bon dos!
Plus tard il fera l'acquisition d'un steam-yacht de 630 tx, l'Ariane
(Fair Geraldine = Giralda) — (Sea Queen = Nemesis)
Commence à naviguer sur un steam-yacht qu'il achète: Fair Geraldine qu'il change en Giralda. En 1876, ayant pris goût (comme son frère Henri) aux croisières hauturières, il fait l'acquisition d'un magnifique yacht mixte de 571 tx, mesurant 60 m de longueur, le Sea Queen qu'il rebaptise Nemesis. Avec ce yacht il sillonne les mers en tous sens. Puis en 1888 Albert Menier réussit une sensationnelle première, en effectuant, pour la première fois avec un yacht français, une croisière dans les mers de Chine et du Japon.