Le Siècle, le 22 avril 1864

Oscar Comettant est correspondant de Guerre pour le journal parisien Le Siècle dans la dispute Holstein-Schlewing du Danemark se défendant contre la Prusse et l’Autriche.

 

Ile d'Als, Augustenbourg, le 16 avril 1864

Il faut être ici à Als, avoir vu les choses de près comme je les ai vues, et les voir comme je les vois, pour se faire une idée exacte et complète des actes de vandalisme dont les allemands se sont rendus coupables et dont ils continuent de se rendre coupables, sans autre but que de faire le mal, pour le seul plaisir de la faire. Ils brûlent, ils saccagent, ils détruisent ce qu’ils peuvent brûler, saccager et détruire, comme s’ils avaient résolu d’anéantir le Danemark tout entier.

 

C’est à coup sur et sans être nullement, exposés que les prussiens commettent leurs forfaits depuis le bombardement de Sonderborg, qui n’était que le prélude de leurs prouesses, jusqu’à l’incendie des fermes de Ronhaves, qui en est le couronnement. Ils bombarderaient volontiers Copenhague si leurs canons perfectionnés l’étaient davantage encore.

 

Dans cette guerre révoltante, la valeur du soldat ne compte pour rien, l’artillerie compte pour tout.

 

Depuis l’assaut avorté du 28, les prussiens, désespérant d’enlever la position de vive force, ont pris le parti de la pulvériser à distance.

 

On évalue à soixante-dix mille les obus tombés à Duppel depuis le commencement des hostilités. Le sol en est jonché, et les soldats n’ont plus un seul endroit où ils puissent se mettre à l’abri.

 

Duppel est devenu un enfer où il pleut du fer et du plomb.

 

Partout où les prussiens ont pu élever une batterie, ils l’ont fait, et ils tirent de partout, sans trêve ni merci, sur les bastions aux trois quarts ruinés, sur le versant de Duppel au moyen de bombes, sur le haut de Sonderborg, dans les campagnes environnantes, sur les maisons des paysans, dont quelques-unes ont péri dans les flammes, dont tous sont réduits à la misère et au désespoir, estropiant, écrasant, brûlant méthodiquement hommes et choses avec une sûreté de coup d’œil admirable et une fureur calme et réglée qui fait horreur.

 

Et tout cela je le répète, sans n’être nullement exposée aux coups de danois, dont les canons sont entièrement muets depuis quatre jours, et qui reçoivent stoïquement la mort.

 

En vérité, je ne sais pas pourquoi les prussiens ont une infanterie à Duppel, et je comprends moins encore pourquoi cette infanterie garnit le bout de ses fusils de cette longue pointe de fer triangulaire dont nos soldats français ont l’habitude de servir sous le nom de baïonnette.

 

Ce que je puis affirmer, c’est qu’il y a quelque chose de révoltant à voir une puissante armée suivre un pareil système pour vaincre une poignée de soldats, dont la plupart sont des recrues.

 

De l’avis des hommes de métier, dix mille soldats aguerris se seraient emparés de Duppel malgré toute la vaillance des danois, en deux heures, après la retraite de Danewerke.

 

Pourquoi les austro-prussiens ne l’ont-ils pas fait. Il semble en vérité qu’ils n’aient eu d’autre but sérieux, en agissant comme ils l’on fait, que de montrer aux puissances européennes, à la France par exemple, qu’ils possèdent une artillerie à laquelle rien ne saurait résister, pas même les chaumières des paysans inoffensifs.

 

Il ne faudrait pas qu’on vit dans mes paroles rien de blessant pour les soldats autrichiens et prussiens. Mes reproches et mes critiques ne s’adressent qu’à leur chef. Je n’accuse pas la valeur des troupes. Si elles se sont battues mollement, c’est, je le crois, parce qu’instinctivement elles sentent l’injustice de cette guerre, et qu’il y a toujours quelque chose de répugnant pour tout homme de cœur à se mettre quatre contre un.

 

Hier matin, je suis allé avec le colonel français Février voir brûler le village de Kjer, bombardé sans avertissement aucun. C’était un spectacle navrant de contempler ces modestes et paisibles habitations foudroyées par des projectiles lancées à la distance de deux kilomètres, sans autre but que celui de détruire. Les femmes, les enfants, avec le chef de la famille arrachaient aux flammes les meubles et le linge qu’ils pouvaient sauver.

 

Sur toute la route, on trouvait les habitants de ce village chargés de hardes et de meubles. Tout cela se faisait tranquillement, à la lueur de l’incendie, au bruit terrible des obus, qui éclataient un peu partout, avec ce courage passif et cette froide résignation communs aux peuples du nord. Quelques femmes pleuraient, mais en silence.

 

Presqu’au même moment qu’ils rasaient le village de Kjer, les prussiens bombardaient les fermes si belles et si riches de Ronhaves.

 

Dans la nuit, fatigués de tirer sur les bastions danois qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas leur répondre, ils ont envoyé, pour se distraire, des obus sur tous les villages de la côte à portée de leur tir. On en compte. (illisible).

 

- Colonel, ai-je demandé au colonel Février, la guerre peut-elle justifier de semblables atrocités?

 

- Non, m’a-t-il répondu; rien au point de vue militaire ne justifie de pareils actes, et c’est bonnement abominable.

 

Avant-hier, dans la nuit, j’ai fait une promenade à ce qui reste de Sonderborg. Quel triste tableau! Le quartier où j’habitais est entièrement détruit, et il y a près là des maisons percées comme de la dentelle; le moindre vente les abattrait, Je vis la maison où un paisible négociant de Copenhague, venu à Sondebourg pour son commerce, a eu les reins brisés par une bombe pendant qu’il écrivait. C’est le frère même de la victime qui m’a raconté ce fait.

 

On m’a fait voir aussi l’emplacement où le colonel Février est allé philosophiquement se coucher pendant le bombardement de la ville. Il a pourtant bien fallu qu’il délogeât, après que les boules eurent effondré les murs et brûlé ses chemises dans sa malle. Mais, il n’a quitté cette maison que pour aller se réfugier dans une autre, bientôt percée à son tour d’énormes grenades.

 

En présence de ce parti pris des alliés de tout exterminer, et quand on voit les héroïques défenseurs du Danemark décimés à leur poste, sans aucune espèce d’espoir de vaincre, dans une situation véritablement intolérable, n’attendant et ne pouvant attendre que la mort, on se demande si ce n’est pas un impérieux devoir d’humanité d’ordonner la retraite afin de sauver l’armée tant qu’il en est tempos encore.

 

Que les danois se retirent des positions non conquises par la bravoure de leurs ennemis, mais ruinés sur leurs pieds par la brutale et stupide matière qui heurte indistinctement une pierre ou un cœur; ils ont assez fait pour l’honneur du drapeau et pour mériter l’éternelle reconnaissance de la patrie.

 

A tout il est des limites, même à l’héroïsme.

 

Mourir n’est un devoir que lorsque cette mort peut être utile au triomphe de la cause qu’on sert.

 

Vouloir simplement pour mourir, c’est de la folie; folie sublime, si l’on veut, mais folle.

 

Je sais qu’il se trouve des personnes pour croire que l’armée danoise, vaincue à Duppel, pourrait se maintenir quelques jours encore dans l’île de D’ALS; moi je suis loin de partager leur confiance. Mais, en admettant qu’il en puisse être ainsi, est-ce une raison pour rester plus longtemps dans une situation insoutenable?

 

En supposant l’impossible, en supposant que les danois, luttant un contre trois sur un terrain ruiné, avec des fusils qui tirent un coup pendant que les fusils prussiens, construits sur un modèle nouveau, en tirent trois, repussent l’assaut des prussiens et les obligeant à reprendre leurs anciennes positions, qu’arriverait-il? Que les prussiens retourneraient à leurs pièces, et que les obus finiraient d’accomplir la besogne que les baïonnettes n’auraient pas pu terminer.

 

Encore une fois, les danois peuvent se retirer; ils emporteront avec eux la profonde sympathie de tous les cœurs bien placés, et la gloire même leur sera restée. Que leurs ennemis ne l’entendent... (illisible)

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

 

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(Exemple: Henri+Menier)



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Livres et documents sur Anticosti

(50) (Nouveau)

Cahiers d'entretiens avec des Anticostiens (1976-1981) par LUC JOBIN, 160 pages

(49) (Nouveau)

Collection Desbiens

 Ces 174 photographies font partie de la collection Desbiens. Ces documents sont présentés pour la première fois grâce à LUC JOBIN.

(47) Le journal LE SOLEIL publie en 1897, 1898 et 1899, et rapportées ici, les actualités, rumeurs et nouvelles qui provenaient de l'île d'Anticosti au début de l'ère Menier.

(46) Actes Notariés - en 1899 Henri Menier achète de 26 habitants anticostiens 28 lots de terrains et habitations dans le but de devenir le seul propriétaire sur l'île.

(45) Anticosti sous Gaston Menier (1913-1926) par Rémy Gilbert. Document inédit de 24 pages par l'auteur du livre «Mon île au Canada», 1895-1913, les Éditions JID.

 

(44) Suite à une demande de Menier pour la concession de lots de grève et de lots à eau profonde à Baie-Ellis, Félix-Gabriel Marchand, premier ministre et Simon-Napoléon Parent, maire de Québec font une visite sur l'île d'Anticosti (voyage raconté par le journaliste du journal Le Soleil, 1898). 4 pages.

 

(43) Gaston, Albert et Henri Menier, leurs yachts en image. référence: Voiles/Gallimard, Les mémoires de la mer, Jack Grout.

 

(42) 1827, naufrage du Harvest Moon au large d'Anticosti. En 1928 le fils d'un naufragé raconte.

 

(41) En 1850 on envisageait de faire de l’île d’Anticosti, une prison. Journal Le «Canadien», le 21 juin 1850

 

(40) Le steamer «Le Merrimac» s'échoua sur l'île d'Anticosti en 1899. Le journal Le soleil raconte l'aventure, liste des passagers et biographie de l'un d'entre eux, un québécois.

 

(39) L'Aberdeen, un steamer de ravitaillement des phares s'échoua en 1899 près du cap Jupiter, Anticosti; un passager raconte.

 

(38) M. Clarke Wallace (1844-1901) membre du parlement canadien était un adversaire de l’île d’Anticosti de M. Menier. LA PATRIE, LE 11 AOÛT 1899

 

(37)  En 1902, l'honorable Charles Marcil, député de Bonaventure livre à un journaliste ses impressions sur Anticosti. M. Marcil est le grand-père de la comédienne Michèle Tisseyre.

 

(36) Bail entre Gaston Menier et la commission du Hâvre de Québec, pour la location de locaux au Bassin Louise de Québec, le 29 décembre 1920, devant notaire.

 

(35) Vente d'Anticosti le 19 juillet 1926 à la Wayagamac Pulp and Paper devant le notaire E.G. Meredith.

 

(34) Exploration Vaureal-Jupiter, Anticosti, entre le 7 et le 28 mars 1901 par Ovila Montreuil ingénieur civil, assistant de Jacquemart, chef du service des travaux.

 

(33) Le Croiseur anglais HMS Pallas s'arrêta à Anticosti en 1900, dont le capitaine était l'Honorable Walter G. Stopford. Article paru dans le Petit Journal Militaire, Maritine, Colonial le 25 septembre 1904.

 

(32) NOTAIRES - 20 actes notariés du temps de Menier

 

(31) L'acte de vente d'Anticosti à Menier le 18 décembre 1895 devant le notaire William Noble Campbell

 

(30) Le testament de Louis-Olivier Gamache le 22 septembre 1851 devant le notaire Jos. Pelchat

 

(29) Rapport du ministre de l'agriculture de la Province de Québec, 1909.
Lauréat de la médaille d'argent et du diplôme de Très-Grand-Mérite:
Alphonse Parent, Baie Ellis, Anticosti.
Index de 57 noms, 16 pages

 

(28) Lettre de Mgr J.C.K. Laflamme à Henri Menier, septembre 1901 

 

(27) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K Laflamme le 17 juillet 1901

 

(26) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 juillet 1901

 

(25) Lettre de Henri Menier à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 octobre 1901

 

(24) Permis de séjour du 15 août au 30 septembre 1901 délivré à Monseigneur J.C.K Laflamme par L.O. Comettant.

 

(23) En 1899, 16 journalistes ont visité l'île Anticosti. Voici ce qu'ils ont raconté.

 

(22) Titre en faveur de Louis Jolliet par Jacques Duchesneau, 1680

 

(21) L'île Ignorée, TOME 2, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 303 noms, 42 pages.

 

      L'île Ignorée, TOME 1, par Georges Martin-Zédé, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 114 noms et 24 illustrations, 33 pages.

 

(20) Voir le vidéo, journal LE MONDE

Jerôme Verroust, journaliste français, parle du parcours de guerre de son arrière-grand-père, Fernand Le Bailly sur cet entretien vidéo au journal Le Monde. Fernand Le Bailly a séjourné sur l’île Anticosti à partir de 1896. Il était marié à Simone Lavigne, petite-fille de Oscar Comettant.

 

(19) Monographie de l'île d'Anticosti par le docteur Joseph Schmitt, 1904, 370 pages.

 

(18) À la mémoire de feu Arthur Buies, journal le Soleil, le 28 janvier 1901.

(17) Arthur Buies, journal le Soleil, Lettre à Ernest Pacaud, le 30 septembre 1899.

 

(16) Arthur Buies, journal Le Soleil, Anticosti, le 23 septembre 1899.

 

(15) La date de la mort de Jolliet, 1886, par l'abbé Cyprien Tanguay

 

(14) Projet de perpétuer le souvenir de Jolliet, 1980, par Luc Jobin, article de Monique Duval, Le Soleil.

 

(13) Lettre de Mgr Charles Guay à Mgr Clovis-Kemner Laflamme, 1902

 

(12) Notice sur l’île Anticosti par Jules Despecher (1895), 6 pages

 

(11) Anticosti par Damase Potvin (1879-1964), 6 pages

 

(10) Le journal de Placide Vigneau (1842-1926) 

 

(9) Histoire et légendes d'Anticosti. Jolliet, Gamache, Ferland, Vigneau et les naufrages, 6 pages.

 

(8) Lettre de Fernand Le Bailly à Mgr. Joseph-Clovis K. Laflamme en 1905.

 

(7) Correspondance du Consul de France, M. Kleskowsk.

 

(6) Cahiers-carnets-agendas de Martin-Zédé (1902-1928).

 

(5) Registre de pêche aux saumons (1896-1928) de Henri Menier sur l'île Anticosti.

 

(4) Entrevue avec Luc Jobin, par Lucien Laurin, le 8 avril 1982.

 

(3) Anticosti 1900, C. Baillargé, 14 pages. (Lire sur Ipad)

 

(2) Oui, j'ai aimé... ou la vie d'une femme, Thyra Seillières, 1943, conjointe de Henri Menier, 244 pages. (Lire sur Ipad)

 

(1) Anticosti, esquisse historique et géographique par Nazaire Levasseur, 1897, 40 pages. (Lire sur Ipad)

 

(0) Lettres de l'Ile Anticosti de Mgr Charles Guay, 1902, 312 pages.

Le 30 mars 2011

 

Rajout: 77 partitions musicales de la main de Lucien Comettant alors qu'il était gouverneur de l'Ile Anticosti. Ces documents dormaient dans une boite depuis 100 ans. Il s'agit de pièces musicales de style victorien pour piano (et violon).

 

Plusieurs livres ont été ajoutés dans la bibliothèque dont:

 

(1) La ville de Québec sous le régime français, volume 1, 1930, 549 pages 

     La ville de Québec sous le régime français, volume 2, 1930, 519 pages

 

(2) Zéphirin Paquet, sa famille, sa vie, son oeuvre. Québec, 1927, 380 pages. Notre arrière-grand-mère était la fille de Zéphirin. Il est le fondateur de la Compagnie Paquet de Québec.

 

(3) L'île d'Orléans, livre historique publié en 1928, 505 pages

 

(4) La biographie du docteur Ferdinand Philéas Canac-Marquis écrite par Nazaire LeVasseur, 1925, 276 pages. Ferdinand est le frère de Frédéric Canac-Marquis, notre arrière-grand-père.

 

Nazaire LeVasseur, l'auteur, est le père de Irma LeVasseur, première médecin femme canadienne-française et fondatrice de l'hôpital Ste-Justine. Il avait été l'agent de Henri Menier et de Martin-Zédé à Québec pour l'entreprise Anticosti.

 

Pauline Gill a récemment écrite un roman historique sur Irma LeVasseur et parle dans son livre de Nazaire LeVasseur et de Ferdinand Canac-Marquis, fils de Frédéric Canac-Marquis