Le Siècle, le 23 mars 1864

Oscar Comettant est correspondant de Guerre pour le journal parisien Le Siècle dans la dispute Holstein-Schlewing du Danemark se défendant contre la Prusse et l’Autriche.

 

Ile d'Als, Soderborg, mercredi le 16 mars 1864, 8 hrs du soir

Quand ces lignes vous parviendront, vous aurez déjà appris par le télégraphe que les batteries prussiennes de Blodgerland ont ouvert leur feu contre les fortifications de Düppel.

 

Les premiers coups de canon

 

C’est hier, à neuf heures et demie, que ce sont fait entendre les premiers coups de canon. Jusqu’à deux heures et demie après-midi, la canonnade a continué lançant des boulets et des obus dans les redoutes danoises. Quelques grenades ont éclaté dans la ville de Sonderborg en causant une véritable panique parmi la population, qui s’était habituée à croire que les Prussiens n’attaqueraient pas une position aussi forte que Düppel.

 

Un obus a éclaté sur le toit d’une maison à peu de distance de celle que j’habite, et quelques autres projectiles creux ont jeté l’épouvante sans toutefois ne blesser personne. On s’est demandé si les Prussiens avaient l’intention de détruire la ville, qui pourtant ne renferme aucune forteresse.

Exode de la population
Exode de la population

Quoi qu’il en soit, il y a eu ici un véritable sauve qui peut d’enfants, de femmes et de bourgeois. Tout ce monde pacifique a fait ses paquets à la hâte et s’est mis à l’abri dans des charrettes, les autres à cheval, le plus grand nombre à pied, dans l’intérieur de l’île, du côté d’Augustenbourg (7,5 km).

 

Ils se logeront là comme ils pourront, et devront se trouver heureux de trouver du pain noir et des pommes de terre.

 

Au premier coup de canon, le moral un peu endormi du soldat s’est réveillé comme en sursaut, et, sans montrer cet enthousiasme qu’on voudrait voir chez les défenseurs de la patrie menacée, ils paraissent résolus, à faire leur devoir. Partout les officiers donnent l’exemple, et certes ils n’épargnent pas leur personne au feu.

 

Jamais peut-être on ne vit tant d’officiers blessés et tués par rapport au nombre de soldats atteints. On cite quelques traits d’héroïsme. Un canonnier blessé grièvement au bras par un éclat d’obus refuse les soins du chirurgien avant que celui-ci n’ai pansé la blessure d’un lieutenant moins grièvement atteint.

 

Pendant que le sang coule abondamment de la blessure du canonnier, il ôte sa casquette et crie d’une voix ferme, bien qu’altérée par la douleur: “Vive le vieux Danemark!” Puis il s’évanouit.

 

Mes informations particulières, puisées à des sources certaines, m’apprennent que les six ou sept batteries de Broagerland n’ont occasionné dans les forteresses que des dégâts matériels à peu près insignifiants.

Tirs d'artillerie provenant de la presqu'ile
Tirs d'artillerie provenant de la presqu'ile

Ces batteries prussiennes (canons rayés) sont placées à la gauche de Düppel, dans une presqu’ile, et tirent à la distance de près de cinq kilomètres. Les Danois ont à peine répondu à cette canonnade, peut-être parce qu’à cette grand distance ils avaient peu d’espoir d’atteindre les ouvrages de l’ennemi.

 

Il se confirme que les Prussiens, en nombre considérable, ont exécuté des mouvements de concentration, et qu’ils se proposent d’attaquer le village abandonné de Düppel dont je vous ai dit quelques mots dans ma dernière lettre.

 

Des troupes arrivent de tous les points de l’île où elles étaient campées. On s’attend pour le lendemain à un bombardement sur toute la ligne, et peut-être à une sanglante bataille dans le village de Düppel qui sera brûlé si les Danois se voient forcé de l’abandonner.

L’attente n’a pas été trompée. A dix heures du matin, aujourd’hui 16 mars, la foudre des canons gronde partout et l’air est sillonné de projectiles. Jusqu’à trois heures c’est un feu terrible évalué ici à cinq ou six cent coups de canon. Les Danois n’ont répondu que par une quarantaine de coups bien dirigés qui paraissent avoir produit de l’effet.

 

Il ne m’appartient pas de vous dire quels sont les dommages causés par ces cinq ou six cents coups de canon; il est des limites tracées pour un correspondant par la prudence et la bienséance. Toutefois, et sans me montrer indiscret, je ne vois aucun inconvénient à dire que si des pertes douloureuses en hommes sont le produit de cette seconde journée de bombardement, la partie matérielle des fortifications n’a que peu souffert.

 

Le canon n’a cessé de gronder que pour donner lieu, dans l’après-midi, à un combat d’infanterie dans un petit village à la droite de Düppel, appelé Ragebol. Les Prussiens avaient, dit-on deux pièces de campagne dans cet engagement, qui, du reste, a été de courte durée.

 

Tout porte à croire que la bataille prévue dans le village de Düppel aura lieu demain. Les Danois pourront-ils s’y maintenir contre des forces si supérieures aux leurs? Si les Prussiens s’établissent dans cette position, ils ne seront plus qu’à douze cents mètres de la première ligne des fortifications danoises. L’assaut sera évidemment la conséquence de cette occupation.

 

Le bruit du bombardement a eu pour effet d’exciter l’ardeur guerrière des soldats. Partout on entend retentir à pleine voix dans les rangs des troupes qui vont au feu le chant patriotique célèbre le vaillant soldat. Pour la première fois depuis que je suis à Sonderborg, j’ai vu les soldats défiler tambour en tête. La musique militaire se mêle au bruit du canon, et tout respire l’ivresse des combats.

 

Mais ce n’est là que de l’ivresse, et la réalité n’en subsiste pas moins, affligeante et fatale.

 

Triste spectacle, en définitive, que celui de la guerre, rendu plus triste encore quand c’est un petit peuple, faible et d’humeur pacifique, qui la soutient contre deux puissantes nations alliées, dont le but est peut-être moins de châtier les Danois pour des torts imaginaires que de faire une démonstration propre à relever leur prépondérance militaire aux yeux du peuple allemand lui-même. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas avec de semblables combats que les Prussiens se rendront sympathiques dans la confédération et qu’ils brilleront de la gloire militaire en Europe. Il n’y a pas de gloire à agir six contre un.

 

Le Danemark est assez malheureux en ce moment pour que je lui épargne tout reproche; pourtant, il serait difficile de dissimuler qu’il y a de l’incurie un peu partout, et que la conduite de cette guerre laisse beaucoup à désirer.

 

Le défaut de prévoyance est manifeste, et c’est à l’imprévoyance qu’il faut attribuer le grand nombre de soldats danois faits prisonniers; s’Il faut s’étonner de quelque chose, c’est qu’il n’en soit pas fait davantage. Il est de règle de n’occuper une position que lorsqu’on peut la défendre. 

Le perte de l'ile par les Danois
Le perte de l'ile par les Danois

Fehmarn et Frédéricia

 

Il y a deux jours, l’oubli de cette règle a occasionné la perte d’une petite île près de Holstein, nommée Fehmarn, et dans laquelle cent soldats danois ont été faits prisonniers. Six cents Prussiens ont profité de l’absence de toute canonnière dans ces parages pour débarquer à l’improviste et capturer, par la même occasion, un transport qui était à l’ancre. Voilà des pertes que rien ne justifie, que tout condamne au contraire.

 

Pendant que les Prussiens, assistés d’un nombre d’Autrichiens qu’on suppose minime opèrent devant Düppel, les Autrichiens, en forces considérables, continuent leurs exploits dans les alentours de Frédéricia. Peut-être les alliés tenteront-ils d’enlever ces deux positions le même jour.

 

S’ils réussissent, le Danemark n’aura peut-être d’autre alternative que de proclamer la république ou de se jeter dans les bras de la Suède. En attendant, les exploits des Autrichiens dans le Jutland ne sont pas sans analogie avec certains exploits de certains héros de la Calabre.

 

Le pillage allemand

 

En effet, partout où passent les troupes allemandes elles font main basse sur tout ce qui peut leur être utile sans qu’elles aient une seule fois songé à indemniser les propriétaires des objets dont elles se sont emparé. Jusqu’à présent ils ont ainsi confisqué à leur profit, 3,000 bœufs, 2,500 chevaux, une foule de barils de farine, d’eau-de-vie, de vin, etc. pour une somme évaluée à six millions de francs.

Ce n’est pas tout: ne voulant pas se donner la peine d’exécuter eux-mêmes les travaux commandés contre la forteresse de Frédéricia, les soldats autrichiens se font remplacer dans cette pénible besogne par tous les Danois indistinctement, âgés de quinze à cinquante ans.

 

Des procédés semblables ne sont plus de notre temps et ajoutent à ce qu’a d’injustice et de peu chevaleresque cette guerre où tout sentiment généreux semble exclus, où l’on ne s’appuie que sur la force et la violence.

 

Un officier français, le colonel Février, est arrivé à Sonderborg dimanche dernier pour examiner les fortifications et suivre la marche des opérations. Il n’a pas eu longtemps à attendre pour être témoin des événements.

 

 Je vous tiendrai au courant, jour par jour, autant que me le permettra le départ du courrier, de la marche de la bataille.

RECHERCHE SUR LE SITE  

(Exemple: Henri+Menier)



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Livres et documents sur Anticosti

(50) (Nouveau)

Cahiers d'entretiens avec des Anticostiens (1976-1981) par LUC JOBIN, 160 pages

(49) (Nouveau)

Collection Desbiens

 Ces 174 photographies font partie de la collection Desbiens. Ces documents sont présentés pour la première fois grâce à LUC JOBIN.

(47) Le journal LE SOLEIL publie en 1897, 1898 et 1899, et rapportées ici, les actualités, rumeurs et nouvelles qui provenaient de l'île d'Anticosti au début de l'ère Menier.

(46) Actes Notariés - en 1899 Henri Menier achète de 26 habitants anticostiens 28 lots de terrains et habitations dans le but de devenir le seul propriétaire sur l'île.

(45) Anticosti sous Gaston Menier (1913-1926) par Rémy Gilbert. Document inédit de 24 pages par l'auteur du livre «Mon île au Canada», 1895-1913, les Éditions JID.

 

(44) Suite à une demande de Menier pour la concession de lots de grève et de lots à eau profonde à Baie-Ellis, Félix-Gabriel Marchand, premier ministre et Simon-Napoléon Parent, maire de Québec font une visite sur l'île d'Anticosti (voyage raconté par le journaliste du journal Le Soleil, 1898). 4 pages.

 

(43) Gaston, Albert et Henri Menier, leurs yachts en image. référence: Voiles/Gallimard, Les mémoires de la mer, Jack Grout.

 

(42) 1827, naufrage du Harvest Moon au large d'Anticosti. En 1928 le fils d'un naufragé raconte.

 

(41) En 1850 on envisageait de faire de l’île d’Anticosti, une prison. Journal Le «Canadien», le 21 juin 1850

 

(40) Le steamer «Le Merrimac» s'échoua sur l'île d'Anticosti en 1899. Le journal Le soleil raconte l'aventure, liste des passagers et biographie de l'un d'entre eux, un québécois.

 

(39) L'Aberdeen, un steamer de ravitaillement des phares s'échoua en 1899 près du cap Jupiter, Anticosti; un passager raconte.

 

(38) M. Clarke Wallace (1844-1901) membre du parlement canadien était un adversaire de l’île d’Anticosti de M. Menier. LA PATRIE, LE 11 AOÛT 1899

 

(37)  En 1902, l'honorable Charles Marcil, député de Bonaventure livre à un journaliste ses impressions sur Anticosti. M. Marcil est le grand-père de la comédienne Michèle Tisseyre.

 

(36) Bail entre Gaston Menier et la commission du Hâvre de Québec, pour la location de locaux au Bassin Louise de Québec, le 29 décembre 1920, devant notaire.

 

(35) Vente d'Anticosti le 19 juillet 1926 à la Wayagamac Pulp and Paper devant le notaire E.G. Meredith.

 

(34) Exploration Vaureal-Jupiter, Anticosti, entre le 7 et le 28 mars 1901 par Ovila Montreuil ingénieur civil, assistant de Jacquemart, chef du service des travaux.

 

(33) Le Croiseur anglais HMS Pallas s'arrêta à Anticosti en 1900, dont le capitaine était l'Honorable Walter G. Stopford. Article paru dans le Petit Journal Militaire, Maritine, Colonial le 25 septembre 1904.

 

(32) NOTAIRES - 20 actes notariés du temps de Menier

 

(31) L'acte de vente d'Anticosti à Menier le 18 décembre 1895 devant le notaire William Noble Campbell

 

(30) Le testament de Louis-Olivier Gamache le 22 septembre 1851 devant le notaire Jos. Pelchat

 

(29) Rapport du ministre de l'agriculture de la Province de Québec, 1909.
Lauréat de la médaille d'argent et du diplôme de Très-Grand-Mérite:
Alphonse Parent, Baie Ellis, Anticosti.
Index de 57 noms, 16 pages

 

(28) Lettre de Mgr J.C.K. Laflamme à Henri Menier, septembre 1901 

 

(27) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K Laflamme le 17 juillet 1901

 

(26) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 juillet 1901

 

(25) Lettre de Henri Menier à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 octobre 1901

 

(24) Permis de séjour du 15 août au 30 septembre 1901 délivré à Monseigneur J.C.K Laflamme par L.O. Comettant.

 

(23) En 1899, 16 journalistes ont visité l'île Anticosti. Voici ce qu'ils ont raconté.

 

(22) Titre en faveur de Louis Jolliet par Jacques Duchesneau, 1680

 

(21) L'île Ignorée, TOME 2, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 303 noms, 42 pages.

 

      L'île Ignorée, TOME 1, par Georges Martin-Zédé, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 114 noms et 24 illustrations, 33 pages.

 

(20) Voir le vidéo, journal LE MONDE

Jerôme Verroust, journaliste français, parle du parcours de guerre de son arrière-grand-père, Fernand Le Bailly sur cet entretien vidéo au journal Le Monde. Fernand Le Bailly a séjourné sur l’île Anticosti à partir de 1896. Il était marié à Simone Lavigne, petite-fille de Oscar Comettant.

 

(19) Monographie de l'île d'Anticosti par le docteur Joseph Schmitt, 1904, 370 pages.

 

(18) À la mémoire de feu Arthur Buies, journal le Soleil, le 28 janvier 1901.

(17) Arthur Buies, journal le Soleil, Lettre à Ernest Pacaud, le 30 septembre 1899.

 

(16) Arthur Buies, journal Le Soleil, Anticosti, le 23 septembre 1899.

 

(15) La date de la mort de Jolliet, 1886, par l'abbé Cyprien Tanguay

 

(14) Projet de perpétuer le souvenir de Jolliet, 1980, par Luc Jobin, article de Monique Duval, Le Soleil.

 

(13) Lettre de Mgr Charles Guay à Mgr Clovis-Kemner Laflamme, 1902

 

(12) Notice sur l’île Anticosti par Jules Despecher (1895), 6 pages

 

(11) Anticosti par Damase Potvin (1879-1964), 6 pages

 

(10) Le journal de Placide Vigneau (1842-1926) 

 

(9) Histoire et légendes d'Anticosti. Jolliet, Gamache, Ferland, Vigneau et les naufrages, 6 pages.

 

(8) Lettre de Fernand Le Bailly à Mgr. Joseph-Clovis K. Laflamme en 1905.

 

(7) Correspondance du Consul de France, M. Kleskowsk.

 

(6) Cahiers-carnets-agendas de Martin-Zédé (1902-1928).

 

(5) Registre de pêche aux saumons (1896-1928) de Henri Menier sur l'île Anticosti.

 

(4) Entrevue avec Luc Jobin, par Lucien Laurin, le 8 avril 1982.

 

(3) Anticosti 1900, C. Baillargé, 14 pages. (Lire sur Ipad)

 

(2) Oui, j'ai aimé... ou la vie d'une femme, Thyra Seillières, 1943, conjointe de Henri Menier, 244 pages. (Lire sur Ipad)

 

(1) Anticosti, esquisse historique et géographique par Nazaire Levasseur, 1897, 40 pages. (Lire sur Ipad)

 

(0) Lettres de l'Ile Anticosti de Mgr Charles Guay, 1902, 312 pages.

Le 30 mars 2011

 

Rajout: 77 partitions musicales de la main de Lucien Comettant alors qu'il était gouverneur de l'Ile Anticosti. Ces documents dormaient dans une boite depuis 100 ans. Il s'agit de pièces musicales de style victorien pour piano (et violon).

 

Plusieurs livres ont été ajoutés dans la bibliothèque dont:

 

(1) La ville de Québec sous le régime français, volume 1, 1930, 549 pages 

     La ville de Québec sous le régime français, volume 2, 1930, 519 pages

 

(2) Zéphirin Paquet, sa famille, sa vie, son oeuvre. Québec, 1927, 380 pages. Notre arrière-grand-mère était la fille de Zéphirin. Il est le fondateur de la Compagnie Paquet de Québec.

 

(3) L'île d'Orléans, livre historique publié en 1928, 505 pages

 

(4) La biographie du docteur Ferdinand Philéas Canac-Marquis écrite par Nazaire LeVasseur, 1925, 276 pages. Ferdinand est le frère de Frédéric Canac-Marquis, notre arrière-grand-père.

 

Nazaire LeVasseur, l'auteur, est le père de Irma LeVasseur, première médecin femme canadienne-française et fondatrice de l'hôpital Ste-Justine. Il avait été l'agent de Henri Menier et de Martin-Zédé à Québec pour l'entreprise Anticosti.

 

Pauline Gill a récemment écrite un roman historique sur Irma LeVasseur et parle dans son livre de Nazaire LeVasseur et de Ferdinand Canac-Marquis, fils de Frédéric Canac-Marquis