La colonisation d'Anticosti faite par Henri Menier
La colonisation fut menée de main de maître par Martin-Zédé durant 30 ans.
En 1899, quatre ans après le début des opérations, Nazaire LeVasseur, à la fois agent de Menier et rédacteur du Bulletin de la Société de géographie de Québec, lançait une invitation aux journaux
pour une visite des installations. La réputation de Menier avait été entachée par la campagne menée par les squatters. La presse anglophone était particulièrement irritée qu’un Français possède
une île au Canada. Seize journalistes répondirent à l’appel.
Au terme de sa visite, Ulric Barthe du journal Le Soleil de Québec, a publié ces commentaires dans l’édition du 15 juillet 1899 :
« Les salaires sont raisonnables et en réalité plus élevés qu’en beaucoup d’autres endroits si l’on tient compte des diverses gratuités. Les habitants se procurent les marchandises au prix
coûtant livrées sur l’île », écrit-il, notant au passage que le bois de chauffage y est gratuit.
« La colonie Menier de la Baie Sainte-Claire ou English Bay est une féérie. Ses constructions peintes en couleur chocolat et orange, systématiquement rangées le long de rues bien alignées,
sont apparues aux yeux de nos voyageurs comme un groupe de bonbonnières », lit-on.
Les villages de Baie-Sainte-Claire et de l’Anse-aux-Fraises seront graduellement abandonnés par la suite, leurs résidents relocalisés à Port-Menier. Ce havre offrait une bien meilleure protection
contre le vent et la Baie Ellis était la seule en eau profonde à l’ouest de l’île.
Comme le tandem Menier/Martin-Zédé voulait exploiter davantage les forêts d’Anticosti, la pêche s’avérant moins lucrative, ils entreprirent de grands investissements pour la coupe, le transport
et l’écorçage des billes de bois de pulpe, puis ils réorganisèrent le service forestier en le confiant à l’ingénieur américain Eshbaugh à compter de 1910.
« Un contrat fut donc signé pour l’exploitation massive de la forêt anticostienne. Pour faciliter la réalisation du plan, il fut décidé, le 16 février, que son concepteur occuperait
dorénavant le poste de chef du service forestier d’Anticosti. On peut supposer que Joseph Bureau (septuagénaire en 1910) n’exerçait probablement plus cette fonction ou n’avait peut-être
plus les capacités physiques requises pour le faire », écrit Rémy Gilbert (Gilbert R, 2013).
Pour les capacités physiques, on peut en douter car Bureau se livrera encore à d’importantes explorations en Abitibi, au nord de Mistassini et en Haute-Mauricie, mais il y a tout lieu de penser,
comme M. Gilbert, qu’il ne remplissait plus cette tâche.
Il est étonnant que LeVasseur n’en ait pas touché mot dans son reportage de 1909 alors qu’il connaissait bien le rôle joué par l’explorateur, ayant été le représentant de Menier à Québec.
D’autres explorations de Joseph Bureau
Au cours des années qui suivront ses expéditions sur l’île d’Anticosti, Bureau jouera un rôle de premier plan dans l’exploration de la Matapédia, des forêts de la Côte-Nord et de la Gaspésie
ainsi que lors du conflit frontalier entre Québec et Terre-Neuve pour la possession du Labrador.
À 76 ans, il tracera le chemin menant au réservoir Gouin, réussissant là où une équipe d’ingénieurs avait échoué. Un lac y porte d’ailleurs son nom .
Bureau demeurera actif jusqu’à sa mort en 1914.