Anticosti doit son importance à sa situation au centre des eaux du golfe Saint-Laurent et de terrains de pêche réputés à l’égal des bancs de Terre-Neuve.
Un rapport officiel du Commissaire des Pêcheries du Canada, en qualifie les ressources «d’inappréciables et d’inépuisables».
Le fait que le produit des pêcheries de l’île du Prince-Édouard, dont la situation n’est pas aussi favorable, dépasse une valeur de dix millions de francs, peut donner une idée du développement dont elles sont susceptibles à Anticosti.
Les parages autour de l’île abondent en poisson de toute espèce et de toute dimension.
La pêche de la morue y a une extrême importance, à laquelle cependant les habitants d’Anticosti ne participent que dans une proportion très minime.
La grande pêche au large y est pratiquée par les goélettes américaines et celles de la Nouvelle-Écosse, dont la nombreuse flotte pêche constamment tout autour de l’île pendant la saison.
Leur port de rendez-vous est Fox Bay, où il s’en trouve parfois cinquante et soixante.
Elles y viennent pour s’y approvisionner de boëtte, pour profiter des communications télégraphiques et, en cas de besoin, pour s’y abriter et s’y ravitailler.
Mais il leur est interdit par la Compagnie d’aborder dans l’île, sans son autorisation, pour y sécher le poisson ou sous d’autre prétexte.
Il semble que les goélettes de l’île Saint-Pierre, qui est plus proche, pourraient prendre une part profitable à ces opérations, quand elles auront l’assurance de pouvoir établir sur la côte, sans aucune restriction, des installations et sècheries pour la préparation du poisson.
Le pêcheur d’Anticosti se contente de la petite pêche côtière, par la raison qu’il trouve le poisson en abondance dans la mône maritime, malgré la concurrence des bateaux de pêche des comtés de Gaspé et de Bonaventure et de ceux de l’île du Prince-Édouard et des îles madeleine, qui viennent au nombre de cinq et six cents pêcher aux abords de l’île.
Le poisson provenant de sa pêche est préparé et séché sur la côte de l’île. La morue sèche est alors expédiée au marché de Halifax où, en raison de sa qualité supérieure, elle se vend au prix des premières marques, pour l’exportation dans la Méditerranée et au Brésil.
Le nombre des bateaux de pêche d’Anticosti n’est guère que de 120 à 130 et celui des pêcheurs de 250 à 300. Le produit de leur pêche varie, en quantité, de 600,000 à 700,000 kilogrammes, et, en valeur, de Fr. 250,000 à 300,000.
Mais ces chiffres ne représentent qu’une fraction du produit de la petite pêche pratiquée aux abords de l’île, dont les quatre cinquièmes sont enlevés par les bateaux venus des côtes du continent et des piles.
On peut prévoir le développement que la petite pêche pourrait prendre par le fait que celle de comté de Gaspé, sur la côte Sud, emploie plus de 1,200 bateaux et que celle de l’île Saint-Pierre en emploie environ 600.
Le hareng est pêché pour servir de boette avant l’arrivée de Capelan, et, aussi pour l’exportation, qui est de 2,000à 3,500 barils par an.
Le capelan se trouve en abondance prodigieuse et est, dès son apparition, l’objet, comme boette, d’un commerce actif avec les bateaux de la grande pêche, surtout depuis que le service télégraphique leur signale les points où ils peuvent s’en approvisionner sans perte de temps.
Le Maquereau, jadis très abondant, est devenu moins nombreux; la Sardine, au contraire, qui était peu commune dans ces parages s’y est montrée en bacs considérables pendant les dernières années.
Le grand poisson le Flétan (Halibot), d’une si grande consommation en Amérique, donne lieu au large à une pêche très productive. On le débarque sur la côte Sud du golfe, à Paspébiac, d’où il est expédié, à l’état frais, par le chemin de fer, dans des wagons frigorifiques.
Le Homard est abondant sur la côte de l’île, et de grande dimension, grâce aux mesures de conservation dont il a été l’objet, alors que la destruction qui en a été faire tend à le faire disparaître sur plusieurs points du golfe.
Il y a quatre homarderies pourvues d’une autorisation de la Compagnie pour une année, moyennant une redevance de $ 250 chacune (Fr. 1,250) pour une étendue de côtes qui ne dépasse pas 15 kilomètres.
La baleine fréquente les mers autour de l’île et des troupeaux nombreux de phoques séjournent en toute saison dans les baies et anses de la côte; au printemps, ils arrivent en grand nombre sur les glaces flottantes, où les Terre-Neuviens et les Américains en font une chasse profitable.
Les nombreux cours d’eau à l’intérieur de l’île sont extrêmement poissonneux. Le saumon, que les homarderies mettent en conserve, la truite saumonée et la truite de rivière y abondent.
La pêche à la ligne de la rivière Jupiter est affermée à un amateur de New-York à raison de $ 300 (Fr.1,500) pour l’année; la pêche à la ligne et au filet des autres rivières l’aurait été de même, si la Compagnie n’avait interdit à son directeur de l’engager au-delà d’une année.
Il est à prévoir que les facilités d’expédition qui vont résulter du prolongement du chemin de fer jusqu’au port de Gaspé, en même temps que les perfectionnements apportés au transport et à la conservation du poisson, à l’état frais, auront pour effet d’ouvrir de nouveaux débouchés pour les produits de la pêche d’Anticosti et de donner lieu à un commerce de poisson frais entre l’île et le continent, qui n’existe pas actuellement, mais qui paraît susceptible d’un grand développement.
Les ressources d’Anticosti, sous le rapport de l’agriculture, ont une importance réelle; tous les rapports en font foi. Le sol consiste en une terre végétale, sur un sous-sol de gravier et parfois de tourbe, d’un travail facile et d’une fertilité remarquable.
La végétation, sur le versant Sud, est grandement favorisée par l’exposition des pentes du terrain en plein soleil du midi, et par la protection des montagnes couvertes de bois, qui l’abritent contre les effets des vents du Nord.
Les mannes de goémon que la mer rejette incessamment sur la côte, fournissent une quantité inépuisable d’excellent engrais, à portée de toutes les cultures, indépendamment des dépôts de marne et de phosphate, constatés sur plusieurs points du littoral.
La surface arable, susceptible d’être convertie en terres cultivables et en prairies, n’est pas moindre de 200,000 hectares, en tenant compte des parties stériles qui se trouvent sur différents points comme dans tout autre pays.
Tous les produits dont la culture prospère au Canada, réussissent également bien à Anticosti, à l’exception du blé et de l’avoine, qui y croissent vigoureusement jusqu’à 4 et 5 pieds de hauteur, mais dont la maturité ne paraît pas assez régulièrement assurée pour en encourager la culture, autrement que comme fourrage à couper en vert. L’orge, le seigle et le blé noir y viennent à maturité.