Table des matières

Exploration Vauréal - Jupiter

par J.-O. Montreuil, du 7 au 28 mars 1901

JOUR 1

 

 

Jeudi le 7 mars 1901

 

Départ de la baie Ste-Claire à 10 heures am. Beau temps, sauf quelques brouillards de neige. La glace est partie jusqu’au rivage, nous passons sur les remparts de glace.

 

Arrivé au camp Scierie Mc Carthy à 1 hre pm. J’ai les pieds blessés et je n’aurais pas le temps de me rendre au prochain camp qui est à seize milles; nous coucherons donc ici. Nous avons fait 11 milles aujourd’hui.

   

JOUR 2

   

Vendredi le 8 mars 1901

 

Lever à 5 hrs am. Départ à 7 hrs am, beau temps, Vent Sud-ouest. Il y a un peu de glace sur les baies.

 

Ca fait très bien pour les chiens, ils ne sentent pas le poids de leurs charges, mais pour les piétons il n’y a rien qui fatigue plus les jambes que cette glace sur laquelle on est toujours prêt à tomber.

 

Il nous faut monter sur le rivage pour passer les pointes, la neige n’a pas de consistance et les attelages avancent avec difficulté.

 

Les chiens ne pourraient faire plus que 8 kms par jour s’il fallait passer sur le haut du rempart tout le temps.

 

Arrivée : camp Caron à 1 hr pm. Faute d’entraînement, j’ai pris un fort mal de genoux et j’avais beaucoup de difficulté à marcher quand je suis arrivé au camp.

 

Nous avons fait aujourd’hui 16 milles.

   

JOUR 3

   

Samedi le 9 mars 1901

 

Départ du camp Caron à 7 hrs, beau temps, vent ouest. Ce matin je ne puis pas marcher, j’embarque sur une des traînes.

 

À mer basse, la glace qui n’est pas assez forte pour nous porter autrement, repose sur les (reefs) et nous pouvons ainsi voyager sans trop de difficulté.

 

À quelques endroits, les traines ont enfoncé mais il n’y avait que 0.50 mètre d’eau et nous n’avons pas mouillé nos provisions.

 

Le bois est beau et a à peu près de la même qualité que celui du camp Caron, tout le long de la côte jusqu’ici.

 

Nous voyons quelques pistes de renards de place en place, mais aucun renard encore.

 

Arrivée : Havre Sauvage à 2 hrs pm. Voici les noms des endroits où nous sommes passés aujourd’hui et les distances entre chaque place :

   
      Camp Caron au Cap Blanc 3 milles

 

 

 

Cap Blanc à Grande Baie Martin

11 milles

 

 

 

Grande Baie Martin à Falaise Nord

2 milles

 

 

 

Falaise Nord à Anse Gagnon

4 milles

 

 

 

Anse Gagnon à Pte aux Cacaouis

1 1/2 milles

 

 

 

Pte aux Cacaouis au Havre Sauvage

2 1/2 milles

 

 

 

TOTAL

24 milles

JOUR 4

   

Dimanche le 10 mars 1901

 

Départ du Havre au Savage à 4 hrs am, très beau temps, vent nord-ouest.

 

La glace est meilleure et les passages difficiles sont beaucoup plus rares qu’hier.

 

Vers 11 hrs nous arrêtons pour manger; je fais faire un feu autour duquel nous nous groupons pour que le froid ne nous incommode pas trop et nous déjeunons avec bon appétit.

 

Nous nous remettons en marche vers midi, vent nord-ouest, la glace est bonne jusqu’à Falaises ouest (West cliff).

 

Nous eûmes, une fois là, beaucoup de difficultés pour passer sous ces falaises.

 

Il n’ya pas de «reef» à cet endroit et il nous a fallu passer sur les éboulis qui ont une pente de 45 degrés.

 

Les hommes retenaient les charges avec des amarres pour les empêcher de verser et de descendre à l’eau. Cela nous a pris une heure pour faire un kilomètre.

 

Nous avons vu aujourd’hui un très joli renard, c’est le premier depuis notre départ.

 

Arrivés à Havre Indien, qui n’est pas le même que le Havre Sauvage, à 5 hrs pm. Il n’y a pas de camp, nous dressons la tente pour la première fois dans le bord du bois.

 

Le dressage d’une tente et la coupe du bois de feu pour la nuit est un travail d’au moins deux heures. Ce soir les hommes durent couper le bois dans l’obscurité.

 

Le matin, ca prend le même temps pour tout défaire et rattacher le tout sur les traînes des chiens.

 

Nous avons réussi aujourd’hui à faire 24 milles. Je suis maintenant bien entraîné et ne ressens ce soir presque pas de fatigue.

 

Noms des endroits dépassés :

   
     

Havre au Sauvage à Havre au Bric

3 milles
     

Havre au Bric à Rivières à l’Huile

3 milles
     

Rivière à l’Huile à Havre Girard

2 milles
     

Havre Girard à Wreck Point

5 milles
     

Wreck Point, à Hacket Cove

3 milles
     

Hacket Cove à Balise

3 milles
     

Balise à Falaise Ouest

2 milles
     

Falaise Ouest à Havre Indien

3 milles
     

TOTAL

24 milles

JOUR 5

   

Lundi le 11 mars 1901

 

Départ du Havre Indien à 7:30 hrs, beau temps, vent est.

 

Glace à perte de vue au large, mais pas épaisse. La glace est très mauvaise, les traînes enfoncent souvent, on est obligé de monter en haut des remparts et passer sur le rivage tout le long.

 

Il y a beaucoup de neige. Les hommes aident aux chiens à tirer les charges.

 

Un des conducteurs de chiens s’est fait écraser un doigt entre sa traîne et un bloc de glace. Je l’ai pansé le midi et donné la conduite des chiens à un autre.

 

Dans presque toutes les baies où nous sommes passés aujourd’hui, il y a des habitations. Le paysage que présente quelques-unes de ces baies est des plus jolies.

 

Elles sont plus profondes que ne l’indiquent les cartes, donc le tracé ne m’a pas l’air exact pour cette partie de l’île.

 

À la baie Capelan, je remarque que le volume d’eau débité par la rivière est tout aussi considérable que celui de la rivière Vaureal quand je l’ai vu l’année dernière.

 

Arrivée à Anse à la Vache à 1 hr pm. Les hommes sont fatigués, ça été la plus rude journée depuis le départ.

 

Je fais dresser la tente dans un ancien magasin de pêcheurs qui n’a ni porte ni fenêtres, vent est et neige.

   

 

 

 

Havre Indien à Raven’s nest (nid de corbeau)

4 milles

 

 

 

Haven’s nest à Pte Charleton

1 mille

 

 

 

Pte Charleton à Rivière McDonald

1 mille

 

 

 

Rivière Mcdonald à Baie Capelan

3 milles

 

 

 

Baie Capelan, à Rivière Patate

3 milles

 

 

 

Rivière Patate à Anse à la Vache

3 milles
      TOTAL 15 milles

JOUR 6

   

Mardi le 12 mars 1901

 

Impossible de continuer notre voyage, tempête de neige du nord-est. Il vente très fort et on ne voit pas à 30 mètres en avant.

 

Le mauvais temps dure toute la journée

JOUR 7

   

Mercredi le 13 mars 1901

 

Départ de l’Anse à la Vache à 7 :30 hrs

 

La neige poudre, mais pas assez pour que nous perdions notre route et qu’il y ait du danger.

 

Nous avons beaucoup de difficultés, les passes difficiles sont nombreuses. Les hommes aident aux chiens pour tirer les traînes, je passe en avant pour choisir les meilleurs endroits.

 

Avec des raquettes j’enfonce de 0.30 mètre et il me faut passer et repasser plusieurs fois dans les mêmes pistes pour que les hommes réussissent à traîner leurs charges.

 

Les nombreux caps en bas desquels nous passons sont très dangereux, beaucoup d’entre eux surplombent et les pierres tombent continuellement.

 

Arrivée anse aux Acadiens à 4 :30 hrs pm. Nous avons fait aujourd’hui 11 milles. Je fais dresser la tente au bord du bois; hommes et chiens très fatigués

JOUR 8

   

Jeudi le 14 mars 1901

 

Il n’y a que 5 milles d’ici à Vaureal, je renvoie les chiens à la baie Ste-Claire.

 

Mes hommes prennent bagages et provisions sur leurs tobaggans (traînes sauvages). À 8 hrs nous partons chacun de notre côté.

 

Les mêmes difficultés de marche se présentent; les tobaggans ne vont pas mieux que les traînes des chiens. Nous arrivons à Vaureal à 1 :30 pm avec une traîne complètement brisée. Dans l’après-midi les hommes fabriquent un traîneau qui sera suffisant pour que nous puissions continuer.

JOUR 9

   

Vendredi le 15 mars 1901

 

Départ de l’embouchure de Vaureal à 8 hrs am. Pendant que deux des hommes remontent la rivière avec les provisions.

 

Je visite avec l’autre les rives et plaque la future route qui devra passer sur la rive gauche où le terrain est sec et se prête mieux à ce travail.

 

On ne rencontre aucune pente raide, sauf en partant où ce sera facile de la faire monter à flanc de coteau.

 

Les hommes que j’avais laissés pour transporter les provisions ne sont rendues à environ 2 milles plus bas que la chute et n’ont eu, dans leur après-midi, que juste le temps nécessaire pour monter tout le bagage sur le haut de la côte.

 

Quand je suis arrivé le soir, ils étaient en train de placer la tente et de couper le bois de feu nécessaire pour la nuit.

 

Le bois que j’ai vu dans le haut des côtes des rives de Vaureal est gros et très beau. Les pins qui, malheureusement, sont clairsemés, mesurent de 0.30 mètre à 1.00 mètre de diamètre à leur base.

 

Les épinettes sont très saines et bonnes pour bois de construction.

 

Nous avons eu beau toute la journée, le soleil chauffe dur et nous a fait beaucoup souffrir du mal d’yeux.

 

Le thermomètre ce soir est à -14 degré centigrades qui est la température moyenne que nous avons eue toutes les nuits depuis notre départ de la baie Ste-Claire.

JOUR 10

   

Samedi le 16 mars 1901

 

Pendant que les hommes plient bagages et s’apprêtent à partir, je me rends par la rivière à la suite pour en prendre quelques vues photographiques.

 

L’aspect du saut Vaureal en hiver est magnifique. Le pain de sucre à la base forme une masse considérable de glace; il est de la moitié de la hauteur de la chute; plus haut, il est couvert d’une couche mince de glace qui n’est pas assez épaisse pour nous empêcher de voir l’eau dont le volume est assez considérable.

 

L’altitude, d’après nivellement barométrique, de la rivière au pied de la chute, est de 30 mètres, au haut elle est de 95 mètres.

 

En revenant du pied de la chute, je montai sur le haut de la côte, à peu près un mille de la chute. D’en bas, cet endroit me paraissait très accessible.

 

Je n’y fus pas sitôt engagé que je changeai d’avis. Je dus pourtant monter, car redescendre aurait été se risquer d'être enseveli sous une avalanche de neige. Il m’a fallu monter et passer en dessous des racines descendant le long du cap. Ce cap surplombait et la côte, presque à pic, avait 55 mètres de haut.

 

Rendu sur la hauteur, je vis que mes hommes n’étaient pas encore passés et je fus contraint d’aller au-devant, présumant quelque accident. Je retournai et retrouvai dans le fond d’un ravin leurs pistes qui descendaient à la rivière (les côtes de ce ravin étaient aussi hautes que celles de la rivière).

 

Quand je les retrouvai, ils étaient en train de fouler et de battre la neige pour pouvoir monter.

 

Ne voyant aucune chance de succès dans leur tentative, je les fis rebrousser chemin pour remonter à l’endroit d’où j’étais descendu.

 

Toute cette manœuvre et cette perte de temps fit qu’à 3 heures du soir nous n’étions rendus qu’à la chute, n’ayant avancé que de 2 milles dans notre journée avec la moitié seulement des provisions et pas assez de temps pour retourner chercher le reste.

 

Je pose de l’endroit où nous sommes quelques photographies de la chute et fait dresser la tente.

 

Les hommes sont très fatigués encore ce soir mais ils ont bon courage.

JOUR 11

 

 

Dimanche le 17 mars 1901

 

Après avoir donné instruction d’aller chercher les provisions restées en arrière et de remonter la rivière aussi haut que possible dans la journée, je pars en avant pour reconnaître le terrain.

 

Le bois sur les rives de la rivière n’est pas aussi gros que celui que j’ai vu hier, mais sain et de première qualité pour bois de pulpe.

 

La rivière est aussi large qu’en bas de la chute jusqu’à 2 milles plus haut que le premier lac qui se trouve à environ 7 milles du saut Vaureal.

 

Ce lac a 100 hectares de superficie et doit être poissonneux, la piste d’une loutre qui le traverse l’indique; cette loutre était passée depuis 2 jours au plus et avait fait plusieurs trous à travers la neige à la charge du lac.

 

À deux milles plus haut que le premier lac, j’ai découvert 2 autres lacs qui sont de même grandeur et séparée par une petite plaine; ils ont environ 150 hectares chacun de superficie.

 

Le bois autour de ces lacs est beau et ne se compose que d’épinettes.

 

Après avoir visité cette étendue de terrain, malgré l’attraction qui m’attirait en avant, il me fallut revenir par car la neige était mauvaise pour la raquette et j’étais fatigué.

 

Quand j’arrivai à la tente le soir il était temps car je pouvais à peine marcher, la faim et la soif m’avaient affaibli.

 

Ce soir, beau temps, vent nord faible. Nous sommes à 2 milles plus bas que le premier lac, c’est-à-dire à 5 milles plus haut que la chute.

JOUR 12

 

 

Lundi le 18 mars 1901

 

Nous traversons le lac et passons les endroits que j'ai vus hier.

 

L'altitude du premier lac est de 130 mètres. Les 2e et 3e lacs sont au même niveau et à 143 mètres d'altitude.

 

Nous avons fait dans notre journée 7 milles, la neige était mauvaise et était sans consistance, nous enfoncions beaucoup (en raquettes).

JOUR 13

 

 

Mardi le 19 mars 1901

 

Il a venté fort toute la nuit, ce matin il fait beau et le temps est parfaitement calme. Je pars avec mes hommes pour plaquer une ligne à travers bois très toffu, et débarrasser cette ligne qui aura une direction nord-sud.

 

Un de mes hommes est malade de dysenterie et ne peut pas se lever; j'ai ce qu'il faut pour le remettre sur pieds. J'espère que nous pourrons continuer demain.

 

Le terrain que nous avons vu aujourd’hui est composé de bandes boisées séparées avec des plaines de mousse qu’il faudra probablement assainir et couvrir d’un pontage, parce que la terre noire en-dessous de la mousse peut avoir une assez grande épaisseur.

 

Nous n’avons pas rencontré de lac, le terrain continue à monter, nous sommes maintenant à 205 mètres d’altitude.

JOUR 14

 

 

Mercredi le 20 mars 1901

 

Temps clair, vent sud-est. Le terrain continue à monter, nous traversons des plaines et des parties boisées dont l’élévation augmente graduellement, comme par gradins.

 

Ces parties boisées sont dans le sens de la longueur de l’Île et pas très larges.

 

Le bois qu’il y a entre ces plaines est de l’épinette noire, pas très grosse, mais saine et bonne.

 

Partout le terrain où je passe est bon pour une route et ne nécessitera que très peu de pontages.

 

Nous avons aujourd’hui fait 8 milles de trajet, en montant tout le temps, et sommes ce soir à 260 mètres d’altitude.

JOUR 15

 

 

Jeudi le 21 mars 1901

 

Temps sombre, vent sud-est.

 

Nous sommes sur les hauteurs de l’île, nous avons laissé les plaines et montons toujours.

 

Le bois est gros, grand et beau, à d’autres endroits moins, il y a aussi du bois sec et des petits sapins.

 

À 10 :30 hrs am, il commence à neiger, ceci dure jusqu’à 4 hrs pm et tourne en pluie.

 

À 4 :30 hrs je fais dresser la tente.

 

Comme le terrain commence à baisser du côté sud-ouest et que je crois rencontrer bientôt une des branches de la rivière Jupiter, je pars en avant descendant toujours.

 

Au bout de 45 minutes, j’arrivai sur le bord d’une grande côte et, maintenant, partout et de tous côtés je ne vois que les monticules au centre desquels se trouve un profond ravin que je descendis et trouvai une branche de rivière qui coulait vers l’ouest.

 

Il y avait là aussi une piste de loutre presque fraîche. La pluie continue. Je reviens à la tente. Nous avons fait aujourd’hui 6 milles et nous sommes à 350 mètres d’altitude.

JOUR 16

 

 

Vendredi le 22 mars 1901

 

Ce matin pluie et fort vent de l’est. Il nous est impossible de continuer; des masses énormes de glace et de neige que retiennent les branches des arbres se dégèlent et tombent continuellement.

 

Voyager sous bois en temps pareil serait se risquer à se faire assommer ou écraser. À l’endroit où est notre tente il n’y a pas de gros arbres, nous avions prévu ce qui arrive et j’ai fait placer la tente en conséquence. La pluie dure toute la journée et il n’y a aucun moyen de sortir.

JOUR 17

 

 

Samedi le 23 mars 1901

 

Départ 6:30 hrs am, beau temps, vent nord. Nous descendons à la branche de rivière que j’ai vue jeudi soir. Elle coule vers le sud-est.

 

À un mille plus bas elle tombe, ainsi qu’une autre de moindre importance, dans une branche plus considérable qui vient du nord-est. Cinq ou six gros ruisseaux qui débitent beaucoup tombent aussi dans la rivière et augmentent son volume

 

Nous avons eu beau toute la journée, mais les ponts que nous devons construire en abattant deux arbres que l’on fait tomber l’un à côté de l’autre pour nous permettre de traverser et retraverser la rivière que nous suivons nous ont retardé.

 

Ce n’est pas une mince affaire que de traverser nos traînes à bagages et provisions. Nous avons failli tomber à l’eau plusieurs fois et cela aurait été excessivement dangereux, vu la rapidité du courant et le volume d’eau considérable après la pluie que nous venions de subir.

 

Le terrain descend rapidement vers le sud et les essences de bois commencent à différer, il y a moins de bouleaux et plus de sapins et d’épinettes.

 

Un des hommes, le plus fiable et le plus expérimenté dans les voyages d’exploration, nous retarde un peu dans notre marche, mais bien malgré lui, car il ne voit presque plus à cause du mal de neige.

 

Nous avons réussi tout de même à faire environ 12 milles et nous sommes maintenant à 270 mètres plus bas que l’endroit où nous avons campé hier, soit environ 200 mètres plus haut que la hauteur de la mer.

JOUR 18

 

 

Dimanche le 24 mars 1901

 

Départ 7 hrs am, beau temps, vent sud-ouest.

 

Le terrain n’a pas changé depuis hier, les difficultés sont les mêmes depuis hier. Nous avons fait 14 milles dans notre journée. Rien de remarquable à mentionner.

   

JOUR 19

 

 

Lundi le 25 mars 1901

 

Nous partons à 6:30 hrs du matin, nous avons la sensation de l’approche du rivage, l’air sent l’eau de mer. Après être descendus tout l’avant midi, le terrain se maintient plus plat.

 

Un autre signe que nous approchons du rivage, c’est que nous avons vu une piste de renard. Les renards ne vont jamais très avant dans l’intérieur de l’île en hiver.

 

Je croyais avoir dépassé le camp qui se trouve à 12 milles de l’embouchure de Jupiter et je ne fus pas surpris quand un de mes hommes, qui marchait en avant, m’annonça par un grand cri, qu’il voyait la mer.

 

Je m’attendais à y arriver dans une couple d’heures, mais pas si vite.

 

Là je reconnus que je n’étais pas dans Jupiter mais dans une des rivières à l’est de la pointe Sud-ouest. Mes hommes ne reconnurent qu’une fois rendus au rivage et en voyant le camp que la rivière d’où nous sortirons était Chicotte; par son embouchure, ils avaient toujours cru que c’était une toute petite rivière et n’avaient jamais remarqué le volume d’eau qu’elle débitait.

 

Cette rivière est à 30 milles de la pointe Sud-ouest et à 15 milles du lac Salé où je me rends immédiatement pour donner des nouvelles. Les hommes avec les traînes et le bagage ne peuvent me suivre et feront le trajet en deux étapes; ils se rendront demain.

 

J’arrive au lac Salé à 9 hrs du soir; je télégraphie immédiatement à M. Jacquemart pour lui rendre compte du résultat de mon expédition.

JOUR 20

 

 

Mardi le 26 mars 1901

 

Ce matin je reçois une dépêche de M. le Gouverneur. Je réponds immédiatement, donnant tous les principaux détails intéressants de l’exploration et lui propose de retourner avec deux hommes par Jupiter pour rejoindre sur les hauteurs de l’île le tracé de la future route que j’ai failli mener à bon terme.

 

J’assurais le succès de l’entreprise dans un temps relativement très court.

 

Après avoir conféré avec M. Jacquemart, et prenant en considération l’était hâtif et en avance de la saison, ainsi que la débâcle probablement prochaine des rivières et, par suite, du danger de s’y aventurer, M. le Gouverneur, à mon grand regret, n’acquiesça pas à mon désir.

 

Mes hommes arrivent ici à une heure pm fatigués. Deux d’entre eux ont le mal de neige (mal d’yeux) et l’un souffre beaucoup et ne peut pas du tout rester les yeux ouverts.

 

Nous partirons demain matin avec l’embarcation du garde-chasse Napoléon Martin qui revient avec nous à la baie Ste-Claire.

JOUR 21

Un doris
Un doris
 

 

Mercredi le 27 mars 1901

 

Départ du lac Salé à 6 hrs am, vent de l’est. Nous partons en embarcation, un doris d’une vingtaine de pieds de longueur.

 

Il faisait un fort vent mais le voyage s’est passé sans incident jusqu’à la pointe Sud-ouest où il y a un phare et un gardien avec sa famille (le capitaine Lemieux).

 

Rendus à cet endroit nous rencontrâmes le conducteur de chiens Grégoire Richard, qui, après s’être rendu à Jupiter, et voyant que nous n’arrivions pas de ce côté, se rendit jusqu’à la Pointe Sud- Ouest.

 

Richard, qui avait eu de la difficulté à passer sur le rivage avec ses chiens pour la bonne raison que la tempête avait poussé et refoulé la glace qui était toute bousculée, d’autant plus qu’il était impossible de passer au travers du bois.

 

Il s’agissait de traverser une baie profonde; il faisait une tempête et le vent partait de terre.

 

J’insistai pour que le conducteur de chiens se rendit de l’autre côté de la baie en passant sur le rivage, mais il me représenta la chose comme tellement impossible qu’après consultation avec mon meilleur homme, Alphonse Girard, je lui ai permis d’embarquer dans le doris avec ses chiens.

 

Il n’y avait pas cinq minutes que nous avions décollé du rivage que les vagues passaient par-dessus l’embarcation; il était alors impossible de rebrousser chemin.

 

Nous étions partis avec un ris dans la grande voile, je donne ordre de la baisser et de ne garder que le (jib), deux de mes hommes les plus robustes gouvernaient l’embarcation avec une grande rame de large, l’arrière était encoché à cet effet. La traîne des chiens était à l’arrière où je me trouvais et il y avait alors assez d’eau dans l’embarcation pour que j’emplisse ma chaudière destinée à vider à chaque coup.

 

Chaque fois que mes hommes gouvernaient vers terre, nous emplissions. Presque tous les hommes étaient épeurés, certains se lamentaient et pleuraient presque, pourtant il y en avait plusieurs qui avaient essuyé des tempêtes dans le golfe et sur les bancs de Terre-Neuve.

 

Le vent venait de terre et je savais que rendus en deça du cap McGilvery nous serions à l’abri du vent et qu’alors nous pourrions piquer directement vers terre.

 

Le danger était imminent; je maintenais l’embarcation en équilibre en plus de la vider, et cela était d’autant plus difficile que les chiens étaient excités et se battaient.

 

On proposa de les jeter à l’eau, ce qui aurait causé notre perte en faisant perdre l’équilibre et, de plus, les chiens se seraient accrochés à l’embarcation et nous auraient fait verser.

Il a fallu toute l’emprise que j’avais sur mes hommes pour les empêcher d’agir dans ce sens ainsi que les convaincre de gouverner en ligne droite plutôt que vers le rivage, ce qui aurait été encore plus fatal.

 

L’eau passait par-dessus l’embarcation à chaque vague et si je n’avais pas eu le temps de la vider à toute vitesse du surplus de l’eau, nous étions foutus.

 

Rendus vis-à-vis le cap, nous étions alors abrités du vent comme je l’avais prévu et nous pûmes nous diriger directement vers le rivage.

 

J’étais mouillé jusqu’aux os et j’ai dû faire du feu dans un camp pour me faire sécher avant de continuer. Ensuite je me suis mis en route pour Rivière la Loutre à pieds, je suis arrivé avant la noirceur.

 

À part les péripéties que je viens de raconter, j’ai fait aujourd’hui la pire journée de marche, et même courir quand je pouvais enlever les raquettes, soit 22 milles dont la moitié sur les galets et l’autre moitié avec raquettes sur neige molle, pesante et imbibée d’eau, sans fatigue exagérée, complètement remis après une bonne nuit de sommeil sur le dur.

 

On peut avoir une idée de cette corvée par le fait suivant : j’avais chaussé une paire de souliers mous huilés, neufs, le matin et à 5 hrs du soir ils étaient percés tous les deux sur toute la semelle et le talon.

 

Mes hommes ont parcouru la distance en embarcation sur toute la distance; une fois abrités par les côtes il n’y avait plus de danger.

 

Nous avons voyagé aujourd’hui en embarcation et à pied. Nous Couchons ce soir au camp de la Rivière à la Loutre.

 

Celui des hommes qui avaient mal aux yeux hier est pire, il ne voit rien et les autres en ont soin et le conduisent par la main.

 

J’ai fait dans la journée 37 milles, dont 15 en embarcation et 22 à pied.

JOUR 22

 

 

Jeudi le 28 mars 1901

 

Départ de la Rivière à la Loutre à 6 hrs am, vent du sud et pluie toute la journée. À 2 hrs pm, j’avais fait 43 milles, savoir : 20 milles en embarcation et 23 avec les chiens.

 

L’homme qui avait mal aux yeux est un peu mieux.

 

Tel est aussi fidèlement relaté que possible le rapport de l’exploration à travers l’île en mars 1901.

Daignez agréer, monsieur, l’assurance de mon entier dévouement

 

(signé) J.O. Montreuil, asst. L. C.

 

Vu : Le Gouverneur

(signé) L.-O. Comettant

 

Vu : Le chef de service des travaux

(Signé) Jacquemart

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(Exemple: Henri+Menier)



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Livres et documents sur Anticosti

(50) (Nouveau)

Cahiers d'entretiens avec des Anticostiens (1976-1981) par LUC JOBIN, 160 pages

(49) (Nouveau)

Collection Desbiens

 Ces 174 photographies font partie de la collection Desbiens. Ces documents sont présentés pour la première fois grâce à LUC JOBIN.

(47) Le journal LE SOLEIL publie en 1897, 1898 et 1899, et rapportées ici, les actualités, rumeurs et nouvelles qui provenaient de l'île d'Anticosti au début de l'ère Menier.

(46) Actes Notariés - en 1899 Henri Menier achète de 26 habitants anticostiens 28 lots de terrains et habitations dans le but de devenir le seul propriétaire sur l'île.

(45) Anticosti sous Gaston Menier (1913-1926) par Rémy Gilbert. Document inédit de 24 pages par l'auteur du livre «Mon île au Canada», 1895-1913, les Éditions JID.

 

(44) Suite à une demande de Menier pour la concession de lots de grève et de lots à eau profonde à Baie-Ellis, Félix-Gabriel Marchand, premier ministre et Simon-Napoléon Parent, maire de Québec font une visite sur l'île d'Anticosti (voyage raconté par le journaliste du journal Le Soleil, 1898). 4 pages.

 

(43) Gaston, Albert et Henri Menier, leurs yachts en image. référence: Voiles/Gallimard, Les mémoires de la mer, Jack Grout.

 

(42) 1827, naufrage du Harvest Moon au large d'Anticosti. En 1928 le fils d'un naufragé raconte.

 

(41) En 1850 on envisageait de faire de l’île d’Anticosti, une prison. Journal Le «Canadien», le 21 juin 1850

 

(40) Le steamer «Le Merrimac» s'échoua sur l'île d'Anticosti en 1899. Le journal Le soleil raconte l'aventure, liste des passagers et biographie de l'un d'entre eux, un québécois.

 

(39) L'Aberdeen, un steamer de ravitaillement des phares s'échoua en 1899 près du cap Jupiter, Anticosti; un passager raconte.

 

(38) M. Clarke Wallace (1844-1901) membre du parlement canadien était un adversaire de l’île d’Anticosti de M. Menier. LA PATRIE, LE 11 AOÛT 1899

 

(37)  En 1902, l'honorable Charles Marcil, député de Bonaventure livre à un journaliste ses impressions sur Anticosti. M. Marcil est le grand-père de la comédienne Michèle Tisseyre.

 

(36) Bail entre Gaston Menier et la commission du Hâvre de Québec, pour la location de locaux au Bassin Louise de Québec, le 29 décembre 1920, devant notaire.

 

(35) Vente d'Anticosti le 19 juillet 1926 à la Wayagamac Pulp and Paper devant le notaire E.G. Meredith.

 

(34) Exploration Vaureal-Jupiter, Anticosti, entre le 7 et le 28 mars 1901 par Ovila Montreuil ingénieur civil, assistant de Jacquemart, chef du service des travaux.

 

(33) Le Croiseur anglais HMS Pallas s'arrêta à Anticosti en 1900, dont le capitaine était l'Honorable Walter G. Stopford. Article paru dans le Petit Journal Militaire, Maritine, Colonial le 25 septembre 1904.

 

(32) NOTAIRES - 20 actes notariés du temps de Menier

 

(31) L'acte de vente d'Anticosti à Menier le 18 décembre 1895 devant le notaire William Noble Campbell

 

(30) Le testament de Louis-Olivier Gamache le 22 septembre 1851 devant le notaire Jos. Pelchat

 

(29) Rapport du ministre de l'agriculture de la Province de Québec, 1909.
Lauréat de la médaille d'argent et du diplôme de Très-Grand-Mérite:
Alphonse Parent, Baie Ellis, Anticosti.
Index de 57 noms, 16 pages

 

(28) Lettre de Mgr J.C.K. Laflamme à Henri Menier, septembre 1901 

 

(27) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K Laflamme le 17 juillet 1901

 

(26) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 juillet 1901

 

(25) Lettre de Henri Menier à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 octobre 1901

 

(24) Permis de séjour du 15 août au 30 septembre 1901 délivré à Monseigneur J.C.K Laflamme par L.O. Comettant.

 

(23) En 1899, 16 journalistes ont visité l'île Anticosti. Voici ce qu'ils ont raconté.

 

(22) Titre en faveur de Louis Jolliet par Jacques Duchesneau, 1680

 

(21) L'île Ignorée, TOME 2, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 303 noms, 42 pages.

 

      L'île Ignorée, TOME 1, par Georges Martin-Zédé, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 114 noms et 24 illustrations, 33 pages.

 

(20) Voir le vidéo, journal LE MONDE

Jerôme Verroust, journaliste français, parle du parcours de guerre de son arrière-grand-père, Fernand Le Bailly sur cet entretien vidéo au journal Le Monde. Fernand Le Bailly a séjourné sur l’île Anticosti à partir de 1896. Il était marié à Simone Lavigne, petite-fille de Oscar Comettant.

 

(19) Monographie de l'île d'Anticosti par le docteur Joseph Schmitt, 1904, 370 pages.

 

(18) À la mémoire de feu Arthur Buies, journal le Soleil, le 28 janvier 1901.

(17) Arthur Buies, journal le Soleil, Lettre à Ernest Pacaud, le 30 septembre 1899.

 

(16) Arthur Buies, journal Le Soleil, Anticosti, le 23 septembre 1899.

 

(15) La date de la mort de Jolliet, 1886, par l'abbé Cyprien Tanguay

 

(14) Projet de perpétuer le souvenir de Jolliet, 1980, par Luc Jobin, article de Monique Duval, Le Soleil.

 

(13) Lettre de Mgr Charles Guay à Mgr Clovis-Kemner Laflamme, 1902

 

(12) Notice sur l’île Anticosti par Jules Despecher (1895), 6 pages

 

(11) Anticosti par Damase Potvin (1879-1964), 6 pages

 

(10) Le journal de Placide Vigneau (1842-1926) 

 

(9) Histoire et légendes d'Anticosti. Jolliet, Gamache, Ferland, Vigneau et les naufrages, 6 pages.

 

(8) Lettre de Fernand Le Bailly à Mgr. Joseph-Clovis K. Laflamme en 1905.

 

(7) Correspondance du Consul de France, M. Kleskowsk.

 

(6) Cahiers-carnets-agendas de Martin-Zédé (1902-1928).

 

(5) Registre de pêche aux saumons (1896-1928) de Henri Menier sur l'île Anticosti.

 

(4) Entrevue avec Luc Jobin, par Lucien Laurin, le 8 avril 1982.

 

(3) Anticosti 1900, C. Baillargé, 14 pages. (Lire sur Ipad)

 

(2) Oui, j'ai aimé... ou la vie d'une femme, Thyra Seillières, 1943, conjointe de Henri Menier, 244 pages. (Lire sur Ipad)

 

(1) Anticosti, esquisse historique et géographique par Nazaire Levasseur, 1897, 40 pages. (Lire sur Ipad)

 

(0) Lettres de l'Ile Anticosti de Mgr Charles Guay, 1902, 312 pages.

Le 30 mars 2011

 

Rajout: 77 partitions musicales de la main de Lucien Comettant alors qu'il était gouverneur de l'Ile Anticosti. Ces documents dormaient dans une boite depuis 100 ans. Il s'agit de pièces musicales de style victorien pour piano (et violon).

 

Plusieurs livres ont été ajoutés dans la bibliothèque dont:

 

(1) La ville de Québec sous le régime français, volume 1, 1930, 549 pages 

     La ville de Québec sous le régime français, volume 2, 1930, 519 pages

 

(2) Zéphirin Paquet, sa famille, sa vie, son oeuvre. Québec, 1927, 380 pages. Notre arrière-grand-mère était la fille de Zéphirin. Il est le fondateur de la Compagnie Paquet de Québec.

 

(3) L'île d'Orléans, livre historique publié en 1928, 505 pages

 

(4) La biographie du docteur Ferdinand Philéas Canac-Marquis écrite par Nazaire LeVasseur, 1925, 276 pages. Ferdinand est le frère de Frédéric Canac-Marquis, notre arrière-grand-père.

 

Nazaire LeVasseur, l'auteur, est le père de Irma LeVasseur, première médecin femme canadienne-française et fondatrice de l'hôpital Ste-Justine. Il avait été l'agent de Henri Menier et de Martin-Zédé à Québec pour l'entreprise Anticosti.

 

Pauline Gill a récemment écrite un roman historique sur Irma LeVasseur et parle dans son livre de Nazaire LeVasseur et de Ferdinand Canac-Marquis, fils de Frédéric Canac-Marquis