L'ÎLE IGNORÉE par Martin-Zédé  
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CHAPITRE PREMIER

Deux amateurs d’îles désertes — Anticosti — Son histoire — Organisation d’une mission d’exploration

 

Le 5 mai 1895, je reçus une convocation par télégramme de mon ami Henri Menier, le grand industriel bien connu, en vue de réaliser un projet que nous caressions tous deux depuis longtemps.

 

Durant nos grands voyages, nous recherchions mon ami et moi, les endroits les plus éloignés et les plus sauvages, car, grands chasseurs et pêcheurs, nous trouvions toujours là le meilleur sport et le plus d’agréments.

 

Les idées de Jules Verne et de James Fenimore Cooper hantaient alors les esprits des jeunes gens (comme celles de Jean-Jacques Rousseau avaient impressionné la jeunesse de la fin du siècle précédente).

 

Henri Menier et moi, n’avions qu’une idée pendant toutes nos expéditions, c’était de découvrir une île qu’on pourrait acquérir, où l’on pourrait abriter un yacht, s’installer, et où personne ne gênerait nos instincts de liberté et d’aventure.

 

Songeant un moment à acquérir l’île de Guerba en Tunisie, ou celle de Lavant près de Toulon, nous renonçâmes à ces projets pour diverses raisons.

 

L’île qui faisait cette fois l’objet de la communication de mon ami était l’île Anticosti, situé au Canada, dans le golfe du Saint-Laurent.

 

Me rendant à l’appel de M. Menier, je le trouvai chez lui, dans son hôtel de la rue Alfred-de-Vigny, penché sur une carte d’Amérique du Nord, tenant à la main une lettre d’un Mr. Despecher, homme d’affaires, qui lui proposait l’île dont il avait l’option pour un an.

 

Nous recueillîmes aussitôt tous les renseignements possibles, et voici ce que nous apprîmes tout d’abord.

 

L’île Anticosti était située entre le 61 degrés 38 et le 64 degrés 35 de longitude Ouest de Greenwich, et entre le 49 degrés 40 et le 49 degrés 35 de latitude, à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent, séparée du Labrador par 30 milles de mer, et de la Gaspésie du Sud par 60 milles.

 

Elle était distante de Québec de 340 mille marins. Sa longueur était de 135 milles marins et sa plus grande largeur de 35 milles. Sa superficie était plus grande que celle de la Corse, car celle-ci n’a que 870.000 hectares, tandis que l’île Anticosti en avait 1,200,000 soit 3 millions d’acres anglais, environ.

 

Il y avait, paraît-il, dans la partie Ouest, une rade où les navires de fort tonnage trouveraient un abri complet par tous les temps. Un autre port de moindre importance se trouvaient dans la partie nord-est de l’île pour les bâtiments de tonnage moyen.

 

Une trentaine de rivières, dites «rivières à saumon» (salmon rivers) d’importance variable, mais toutes flottables (aucune n’était navigable) existaient dans l’île; la principale, la rivière Jupiter, s’étendait sur un vaste territoire.

 

L’île appartenait à une compagnie anglaise récemment constituée, «The Governor and Cie of the Island of Anticosti» (ce qui expliquait le nom de gouverneur donné au directeur de l’île).

 

Il y avait environ trois cents habitants qui résidaient dans l’île avec l’autorisation de la compagnie, dans trois agglomérations: la plus importante était English Bay à l’ouest;  puis Strawberry Cowe proche de la première; enfin Fox Bay à l’est; l’île avait une direction ouest-sud-est; elle présentait une forme allongée, 3/4 en longueur, 1/4 en largeur.

 

Un petit opuscule publié par la Cie, intitulé: «Anticosti, its climate and ressources» contenait des formules en blanc pour les demandes d’achat de terrain dans l’île, sur lesquelles étaient figurées des moissonneuses-lieuses évoluant dans de vastes champs où s’élevaient d’innombrables meules de fouin.

 

Nous fûmes prévenus toutefois de n’avoir pas à attacher une créance excessive à ces prospectus flatteurs.

 

Néanmoins, selon les affirmations de Mr Despecher, nos pouvions compter trouver des forêts d’essences du Nord: pins, sapins, épicéas, bouleaux, trembles; la mer offrait des perspectives de pêcheries de morue, flétans, homards, anguilles; les rivières étaient fréquentées l’été par des quantités de saumons, de truites; dans les baies, les estuaires et les lacs, on trouvait en grande abondance le gibier d’eau; ailleurs, toutes les variétés de bêtes fauves du Nord: ours, renards, loutres, martres, tous animaux à fourrures de grande valeur.

 

L’île avait été découverte en 1535 par Jacques Cartier qui l’appela «l’Assomption» (Certains dictionnaires l’appellent encore ainsi, et accusent - en 1948 - le chiffre de 250 habitants, ignorant ainsi complètement les progrès et l’expansion considérables de l’île pendant les derniers 50 ans).

 

En mars 1660, Duchesneau, intendant et Frontenac, gouverneur de la Nouvelle-France, font don au nom du roi Louis XIV de «l’Isle d’Anticosti» (son second nom) au sieur Louis Joliet pour sa découverte du Mississipi et de l’Illinois. Ce présent du roi de France était fait avec «la tenure du franc allau seigneurial».

 

Louis Joliet y construisit un fort; à sa mort, il fut sans doute enterré dans l’ile mais sa sépulture ne fut pas découverte.

 

Une centaine d’années après, la famille Joliet vendit Anticosti (6 août 1824) par devant le shérif de Québec, à trois acquéreurs, l’honorable William Grant, l’honorable Thomas Dunn et Peter Stuart.

 

Le 12 septembre 1829, la répartition entre les propriétaires était la suivante: Honorable W. Grand 1/2, Honorable Thomas Dunn, 1/4, Peter Stuart, 1/4.

 

Le 23 janvier 1864, une nouvelle inspection des titres de propriété recevait les modifications suivantes: héritiers Dunn, 3/12, héritiers Stuart, 3/12, H.G Forsyth esq., 5/12, Honorable J. Leslie, 1/12.

 

Le 10 décembre 1884, les parties intéressées vendirent l’ensemble de leurs propriétés à R.W. et T.C. Stockwell, associés.

 

Le 3 juillet 1888 T.C. Stockwell cédèrent à leur tour l’île à la société Anglaises «The Governor and Cie etc

 

C’est donc à cette compagnie que M. Menier et moi nous avions à faire.

 

M. Menier fut vivement intéressé par ce projet. Nous considérâmes, lui et moi, que Louis XIV n’avait pas donné, selon toute apparence, une non-valeur en récompense de services signalés; que les cinq phares du gouvernement établis autour de l’île, occupés à l’année par des gardiens, démontraient que l’existence y était possible dans des conditions normales; enfin, le fait qu’il y avait trois cents habitants prouvait que l’on pouvait y vivre, y trouver du bois de chauffage, faire pousser des légumes, s’y nourrir de poisson et de gibier.

 

L’offre de l’option était fait au prix de 800.000 frs (moins d’un franc par hectare) mais M. Despecher y mettait une condition, c’était qu’une mission se rendrait à l’île aux frais de M. Menier et que le rapport lui en serait communiqué afin qu’il puisse, au cas où l’option ne serait pas levée, s’en servir pour trouver d’autres acquéreurs.

 

Le prix était suffisamment avantageux et les renseignements assez concluants, dans notre opinion, pour que les 50.000 frs que coûterait une expédition d’exploration puissent être risquée.

 

L’envoi d’une mission fut donc décidé, et M. Menier empêché m’en confia la direction.

 

J’en composai ainsi le personnel: M. Dujardin-Beaumetz, ingénieur et géologue éminent; M. Combes, journaliste, qui avait déjà fait partie de la mission marchand; enfin, M. Despecher lui-même, qui portait allègrement ses quatre-vingt ans et voulait être du voyage; d’autre personnel serait engagé en cours de route au Canada.

 

Nous nous mîmes en route le 24 juin 1895. Nous embarquâmes au Havre à bord de «la Bourgogne» de la Cie Transatlantique, commandant Lebœuf

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RECHERCHE SUR LE SITE  

(Exemple: Henri+Menier)



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Livres et documents sur Anticosti

(50) (Nouveau)

Cahiers d'entretiens avec des Anticostiens (1976-1981) par LUC JOBIN, 160 pages

(49) (Nouveau)

Collection Desbiens

 Ces 174 photographies font partie de la collection Desbiens. Ces documents sont présentés pour la première fois grâce à LUC JOBIN.

(47) Le journal LE SOLEIL publie en 1897, 1898 et 1899, et rapportées ici, les actualités, rumeurs et nouvelles qui provenaient de l'île d'Anticosti au début de l'ère Menier.

(46) Actes Notariés - en 1899 Henri Menier achète de 26 habitants anticostiens 28 lots de terrains et habitations dans le but de devenir le seul propriétaire sur l'île.

(45) Anticosti sous Gaston Menier (1913-1926) par Rémy Gilbert. Document inédit de 24 pages par l'auteur du livre «Mon île au Canada», 1895-1913, les Éditions JID.

 

(44) Suite à une demande de Menier pour la concession de lots de grève et de lots à eau profonde à Baie-Ellis, Félix-Gabriel Marchand, premier ministre et Simon-Napoléon Parent, maire de Québec font une visite sur l'île d'Anticosti (voyage raconté par le journaliste du journal Le Soleil, 1898). 4 pages.

 

(43) Gaston, Albert et Henri Menier, leurs yachts en image. référence: Voiles/Gallimard, Les mémoires de la mer, Jack Grout.

 

(42) 1827, naufrage du Harvest Moon au large d'Anticosti. En 1928 le fils d'un naufragé raconte.

 

(41) En 1850 on envisageait de faire de l’île d’Anticosti, une prison. Journal Le «Canadien», le 21 juin 1850

 

(40) Le steamer «Le Merrimac» s'échoua sur l'île d'Anticosti en 1899. Le journal Le soleil raconte l'aventure, liste des passagers et biographie de l'un d'entre eux, un québécois.

 

(39) L'Aberdeen, un steamer de ravitaillement des phares s'échoua en 1899 près du cap Jupiter, Anticosti; un passager raconte.

 

(38) M. Clarke Wallace (1844-1901) membre du parlement canadien était un adversaire de l’île d’Anticosti de M. Menier. LA PATRIE, LE 11 AOÛT 1899

 

(37)  En 1902, l'honorable Charles Marcil, député de Bonaventure livre à un journaliste ses impressions sur Anticosti. M. Marcil est le grand-père de la comédienne Michèle Tisseyre.

 

(36) Bail entre Gaston Menier et la commission du Hâvre de Québec, pour la location de locaux au Bassin Louise de Québec, le 29 décembre 1920, devant notaire.

 

(35) Vente d'Anticosti le 19 juillet 1926 à la Wayagamac Pulp and Paper devant le notaire E.G. Meredith.

 

(34) Exploration Vaureal-Jupiter, Anticosti, entre le 7 et le 28 mars 1901 par Ovila Montreuil ingénieur civil, assistant de Jacquemart, chef du service des travaux.

 

(33) Le Croiseur anglais HMS Pallas s'arrêta à Anticosti en 1900, dont le capitaine était l'Honorable Walter G. Stopford. Article paru dans le Petit Journal Militaire, Maritine, Colonial le 25 septembre 1904.

 

(32) NOTAIRES - 20 actes notariés du temps de Menier

 

(31) L'acte de vente d'Anticosti à Menier le 18 décembre 1895 devant le notaire William Noble Campbell

 

(30) Le testament de Louis-Olivier Gamache le 22 septembre 1851 devant le notaire Jos. Pelchat

 

(29) Rapport du ministre de l'agriculture de la Province de Québec, 1909.
Lauréat de la médaille d'argent et du diplôme de Très-Grand-Mérite:
Alphonse Parent, Baie Ellis, Anticosti.
Index de 57 noms, 16 pages

 

(28) Lettre de Mgr J.C.K. Laflamme à Henri Menier, septembre 1901 

 

(27) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K Laflamme le 17 juillet 1901

 

(26) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 juillet 1901

 

(25) Lettre de Henri Menier à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 octobre 1901

 

(24) Permis de séjour du 15 août au 30 septembre 1901 délivré à Monseigneur J.C.K Laflamme par L.O. Comettant.

 

(23) En 1899, 16 journalistes ont visité l'île Anticosti. Voici ce qu'ils ont raconté.

 

(22) Titre en faveur de Louis Jolliet par Jacques Duchesneau, 1680

 

(21) L'île Ignorée, TOME 2, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 303 noms, 42 pages.

 

      L'île Ignorée, TOME 1, par Georges Martin-Zédé, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 114 noms et 24 illustrations, 33 pages.

 

(20) Voir le vidéo, journal LE MONDE

Jerôme Verroust, journaliste français, parle du parcours de guerre de son arrière-grand-père, Fernand Le Bailly sur cet entretien vidéo au journal Le Monde. Fernand Le Bailly a séjourné sur l’île Anticosti à partir de 1896. Il était marié à Simone Lavigne, petite-fille de Oscar Comettant.

 

(19) Monographie de l'île d'Anticosti par le docteur Joseph Schmitt, 1904, 370 pages.

 

(18) À la mémoire de feu Arthur Buies, journal le Soleil, le 28 janvier 1901.

(17) Arthur Buies, journal le Soleil, Lettre à Ernest Pacaud, le 30 septembre 1899.

 

(16) Arthur Buies, journal Le Soleil, Anticosti, le 23 septembre 1899.

 

(15) La date de la mort de Jolliet, 1886, par l'abbé Cyprien Tanguay

 

(14) Projet de perpétuer le souvenir de Jolliet, 1980, par Luc Jobin, article de Monique Duval, Le Soleil.

 

(13) Lettre de Mgr Charles Guay à Mgr Clovis-Kemner Laflamme, 1902

 

(12) Notice sur l’île Anticosti par Jules Despecher (1895), 6 pages

 

(11) Anticosti par Damase Potvin (1879-1964), 6 pages

 

(10) Le journal de Placide Vigneau (1842-1926) 

 

(9) Histoire et légendes d'Anticosti. Jolliet, Gamache, Ferland, Vigneau et les naufrages, 6 pages.

 

(8) Lettre de Fernand Le Bailly à Mgr. Joseph-Clovis K. Laflamme en 1905.

 

(7) Correspondance du Consul de France, M. Kleskowsk.

 

(6) Cahiers-carnets-agendas de Martin-Zédé (1902-1928).

 

(5) Registre de pêche aux saumons (1896-1928) de Henri Menier sur l'île Anticosti.

 

(4) Entrevue avec Luc Jobin, par Lucien Laurin, le 8 avril 1982.

 

(3) Anticosti 1900, C. Baillargé, 14 pages. (Lire sur Ipad)

 

(2) Oui, j'ai aimé... ou la vie d'une femme, Thyra Seillières, 1943, conjointe de Henri Menier, 244 pages. (Lire sur Ipad)

 

(1) Anticosti, esquisse historique et géographique par Nazaire Levasseur, 1897, 40 pages. (Lire sur Ipad)

 

(0) Lettres de l'Ile Anticosti de Mgr Charles Guay, 1902, 312 pages.

Le 30 mars 2011

 

Rajout: 77 partitions musicales de la main de Lucien Comettant alors qu'il était gouverneur de l'Ile Anticosti. Ces documents dormaient dans une boite depuis 100 ans. Il s'agit de pièces musicales de style victorien pour piano (et violon).

 

Plusieurs livres ont été ajoutés dans la bibliothèque dont:

 

(1) La ville de Québec sous le régime français, volume 1, 1930, 549 pages 

     La ville de Québec sous le régime français, volume 2, 1930, 519 pages

 

(2) Zéphirin Paquet, sa famille, sa vie, son oeuvre. Québec, 1927, 380 pages. Notre arrière-grand-mère était la fille de Zéphirin. Il est le fondateur de la Compagnie Paquet de Québec.

 

(3) L'île d'Orléans, livre historique publié en 1928, 505 pages

 

(4) La biographie du docteur Ferdinand Philéas Canac-Marquis écrite par Nazaire LeVasseur, 1925, 276 pages. Ferdinand est le frère de Frédéric Canac-Marquis, notre arrière-grand-père.

 

Nazaire LeVasseur, l'auteur, est le père de Irma LeVasseur, première médecin femme canadienne-française et fondatrice de l'hôpital Ste-Justine. Il avait été l'agent de Henri Menier et de Martin-Zédé à Québec pour l'entreprise Anticosti.

 

Pauline Gill a récemment écrite un roman historique sur Irma LeVasseur et parle dans son livre de Nazaire LeVasseur et de Ferdinand Canac-Marquis, fils de Frédéric Canac-Marquis