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Préludes au départ de Martin-Zédé vers l’Europe

 

Le régisseur est Français, son pays est désormais en guerre et ses obligations militaires de citoyens l’y appellent; il sait son départ imminent à l’instar de celui de son patron; il se prépare en conséquence. Réserviste (capitaine d’artillerie) dans l’armée française, Georges Martin-Zédé doit obligatoirement réintégrer le service militaire en temps de conflit.

 

« Je vais rester juste le temps nécessaire pour faire le budget et régler les questions pendantes à l’île », écrit-il le 31 juillet dans ses notes personnelles.

 

Il va de soi qu’il ne quittera Anticosti que lorsque l’essentiel aura été mis en ordre.

 

Réunions, directives, étude des budgets avec tous les chefs de service, comptabilité et quelques autres considérations retiennent finalement le directeur pendant les trois jours qui suivent le départ précipité de son patron.

 

Malouin et Eshbaugh reçoivent, à titre d’administrateurs principaux de l’île lors des absences du régisseur, un ordre bien clair auquel ils devront s’astreindre : « réduire cet hiver les dépenses au strict nécessaire » et tous les comptes devront être envoyés à Paris.

 

Le gouverneur Malouin et les chefs de service reçoivent la consigne de veiller à l’entretien du matériel, d’effectuer les réparations nécessaires pour garder les bâtiments en bon état, de même que les outillages, les routes et le chemin de fer.

 

« Tout restreindre sans avoir à rénover », tel est dorénavant le décevant mot d’ordre.

 

Une exception subsiste : la construction de bungalows destinés à la location à l’embouchure de belles rivières à saumon sera continuée et complétée, le bois approvisionné à cette fin étant disponible.


Chaque pavillon construit comprenait six chambres à coucher donnant sur une pièce centrale qui servait à la fois de salon et de salle à manger. L’annexe abritait une cuisine, un garde-manger et les chambres à coucher de la cuisinière et des guides. Près de l’annexe, on bâtit un hangar et une neigière pour conserver la nourriture. À mesure que les pavillons étaient terminés, on les louait à bon prix à de riches Américains, amateurs de pêche au saumon.» 

 

(Charlie McCormick, Anticosti, éd. JCL, 1982, pp. 49-50) 

 

Le loyer variait de 2500$ à 800$ selon la durée du séjour (pour toute la saison ou pour un mois), l’emplacement du bungalow et le temps de l’année.

 

Après ses sévères recommandations, Martin-Zédé songe aux employés forestiers issus de diverses nationalités européennes (il en mentionne quatre) qui doivent maintenant regagner leur patrie respective.

  • Des Russes

  • Des Allemands

  • Des Autrichiens

  • Des Italiens

Les Russes, dont le pays est allié à la France, pourront monter sans frais à bord du Savoy vers Québec et regagner par la suite leur pays d’origine comme ils le pourront.

 

Les autres auront à quitter l’île à bord des bateaux transporteurs de bois et payer le plein tarif.

 

Il va de soi que la coupe du bois à Anticosti eut à souffrir considérablement du départ de ces travailleurs (dont le régisseur n’indique malheureusement pas le nombre). D’ailleurs, « le moulin à scie fut fermé. »

(Martin-Zédé, L’Île ignorée, tome II, XXI, 1914-1926, www.comettant.com)

   
   

Départ pour la guerre du régisseur d’Anticosti

 

Georges Martin-Zédé quitte à son tour Anticosti sur le Savoy le 4 août, avec d’autres citoyens français en service dans l’île, lesquels doivent également rejoindre l’armée.

 

Les services administratifs auront donc eux aussi du personnel en moins avec ces départs. Le début de la Première guerre mondiale constitua assurément un dur coup pour Anticosti.

 

Depuis 1896, Georges-Martin-Zédé a été un remarquable directeur; sous sa sévère gouverne, l’île a vu son économie se métamorphoser; l’aspect de quasi désolation qu’elle offrait naguère a subi une modification radicale sous sa houlette, jusqu’à devenir un modèle de développement bien planifié pour tout le pays.

 

Homme de marbre mais énergique, leader naturel, administrateur aussi compétant qu’efficace, rien ne lui semble irréalisable.

 

Il est à l’origine de la mise sur pied de tous les changements économiques et sociaux qui ont marqué l’île depuis que celle-ci est la propriété des Menier.

 

Sera-t-il possible au régisseur de continuer à gérer avec efficacité cet immense domaine à partir d’un champ de bataille européen?

 

Martin-Zédé semble optimiste : « La décision de mettre l’île en sommeil simplifia considérablement la situation. »

(Martin-Zédé, L’Île ignorée, XXI, années 1914-1926, www.comettant.com )

 

Il ajoute avec conviction : « Je pourrai tout aussi bien assurer la direction de l’île, sans y aller personnellement », écrit-il dans le manuscrit de ses souvenirs intitulés L’Île ignorée (sans éditeur, 1938).

 

Quoi qu’il advienne dans les mois à venir, c’est accompagné par tous les habitants et sous une « chaude ovation » qu’il monte sur le Savoy vers la capitale provinciale, sans savoir quand il pourra revenir – ni même s’il reviendra jamais – à Anticosti où sa forte empreinte est partout visible.

 

Parvenu à Québec le 6 août, Martin-Zédé descend au Frontenac selon son habitude; il écrit : « J’ai fait tous mes comptes avec Gibsone [l’agent de Menier à Québec] et établi les prévisions de dépense pour été, automne et hiver. » Le Savoy reviendra à Anticosti où son capitaine a ordre de continuer comme à l’ordinaire le service régulier entre Anticosti et Québec.

 

Martin-Zédé monte sur l’Empress of Britain le 7. Il arrive en train du Havre à Paris le 16 août; dans la capitale française, le capitaine réserviste âgé de 60 ans demande sa réintégration dans l’armée.

 

Il effectue ensuite une visite à Gaston Menier au ministère de la Marine; les deux hommes auront des rencontres occasionnelles dans le cours du mois d’août et les suivants pour « conférer » ; Georges ne laisse rien transpirer du contenu de ces réunions.

 

Ce serait toutefois fort étonnant qu’il n’y ait pas été question d’Anticosti, le trait d’union entre ces deux hommes.

 

Le 3 septembre, le capitaine Martin-Zédé reçoit une affectation à l’ambassade de France à Londres. Il y consacre le reste de l’année 1914 à sa tâche d’attaché militaire ainsi qu’à quelques missions, sorties et mondanités sans grand intérêt.

 

Dans ses courts écrits personnels, il s’intéresse beaucoup aux alliances, aux mouvements de troupes et aux combats qui s’ensuivent sur le continent.

 

Au fil du déroulement fébrile des évènements en ce début de guerre, Anticosti occupe peu les pensées de Martin-Zédé.

   
   

Un dernier contact épistolier de Martin-Zédé avec Anticosti en 1914

 

Néanmoins, de passage à Paris le 19 et le 20 décembre, Martin-Zédé rencontre Gaston Menier. Il signe quelques jours plus tard, le 25 décembre, une missive adressée à William Eshbaugh à Anticosti. 

 

La lettre concerne la location des bateaux locaux (L’Alpha, L’Alcyon et le Thyra Menier) afin d’en tirer des revenus. Martin-Zédé continue donc depuis la France – et malgré ses occupations militaires – à transmettre quelques directives et, tout probablement, à recevoir des informations d’ordre administratif.

 

La fréquence de ces communications est indéterminée mais assurément réduite à l’essentiel.

 

La lettre expédiée le jour de Noël fut le dernier contact connu du régisseur avec l’île en 1914.

 

Cette année-là, une ère de restriction, voire de récession, s’installe à Anticosti sous le nouveau propriétaire, lequel, du reste, est peu enclin aux dépenses autres qu’essentielles dans son île; d’autre part, il se trouve, dans l’immédiat, assez accaparé lui aussi par la guerre en Europe.

 

La situation crée chez les résidents d’Anticosti, pour une seconde fois en l’espace d’un an, une incertitude et une morosité qu’accentue le départ obligé du régisseur : personne ne sait quand Martin-Zédé sera en mesure de revenir – pour peu qu’il survive à la guerre.

 

Toutefois, les Anticostiens ne sont pas tout à fait laissés à eux-mêmes; une hiérarchie suppléante est établie; tant bien que mal, elle essaiera de maintenir un minimum de vitalité et une certaine autarcie dans l’île.

   
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RECHERCHE SUR LE SITE  

(Exemple: Henri+Menier)



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Livres et documents sur Anticosti

(50) (Nouveau)

Cahiers d'entretiens avec des Anticostiens (1976-1981) par LUC JOBIN, 160 pages

(49) (Nouveau)

Collection Desbiens

 Ces 174 photographies font partie de la collection Desbiens. Ces documents sont présentés pour la première fois grâce à LUC JOBIN.

(47) Le journal LE SOLEIL publie en 1897, 1898 et 1899, et rapportées ici, les actualités, rumeurs et nouvelles qui provenaient de l'île d'Anticosti au début de l'ère Menier.

(46) Actes Notariés - en 1899 Henri Menier achète de 26 habitants anticostiens 28 lots de terrains et habitations dans le but de devenir le seul propriétaire sur l'île.

(45) Anticosti sous Gaston Menier (1913-1926) par Rémy Gilbert. Document inédit de 24 pages par l'auteur du livre «Mon île au Canada», 1895-1913, les Éditions JID.

 

(44) Suite à une demande de Menier pour la concession de lots de grève et de lots à eau profonde à Baie-Ellis, Félix-Gabriel Marchand, premier ministre et Simon-Napoléon Parent, maire de Québec font une visite sur l'île d'Anticosti (voyage raconté par le journaliste du journal Le Soleil, 1898). 4 pages.

 

(43) Gaston, Albert et Henri Menier, leurs yachts en image. référence: Voiles/Gallimard, Les mémoires de la mer, Jack Grout.

 

(42) 1827, naufrage du Harvest Moon au large d'Anticosti. En 1928 le fils d'un naufragé raconte.

 

(41) En 1850 on envisageait de faire de l’île d’Anticosti, une prison. Journal Le «Canadien», le 21 juin 1850

 

(40) Le steamer «Le Merrimac» s'échoua sur l'île d'Anticosti en 1899. Le journal Le soleil raconte l'aventure, liste des passagers et biographie de l'un d'entre eux, un québécois.

 

(39) L'Aberdeen, un steamer de ravitaillement des phares s'échoua en 1899 près du cap Jupiter, Anticosti; un passager raconte.

 

(38) M. Clarke Wallace (1844-1901) membre du parlement canadien était un adversaire de l’île d’Anticosti de M. Menier. LA PATRIE, LE 11 AOÛT 1899

 

(37)  En 1902, l'honorable Charles Marcil, député de Bonaventure livre à un journaliste ses impressions sur Anticosti. M. Marcil est le grand-père de la comédienne Michèle Tisseyre.

 

(36) Bail entre Gaston Menier et la commission du Hâvre de Québec, pour la location de locaux au Bassin Louise de Québec, le 29 décembre 1920, devant notaire.

 

(35) Vente d'Anticosti le 19 juillet 1926 à la Wayagamac Pulp and Paper devant le notaire E.G. Meredith.

 

(34) Exploration Vaureal-Jupiter, Anticosti, entre le 7 et le 28 mars 1901 par Ovila Montreuil ingénieur civil, assistant de Jacquemart, chef du service des travaux.

 

(33) Le Croiseur anglais HMS Pallas s'arrêta à Anticosti en 1900, dont le capitaine était l'Honorable Walter G. Stopford. Article paru dans le Petit Journal Militaire, Maritine, Colonial le 25 septembre 1904.

 

(32) NOTAIRES - 20 actes notariés du temps de Menier

 

(31) L'acte de vente d'Anticosti à Menier le 18 décembre 1895 devant le notaire William Noble Campbell

 

(30) Le testament de Louis-Olivier Gamache le 22 septembre 1851 devant le notaire Jos. Pelchat

 

(29) Rapport du ministre de l'agriculture de la Province de Québec, 1909.
Lauréat de la médaille d'argent et du diplôme de Très-Grand-Mérite:
Alphonse Parent, Baie Ellis, Anticosti.
Index de 57 noms, 16 pages

 

(28) Lettre de Mgr J.C.K. Laflamme à Henri Menier, septembre 1901 

 

(27) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K Laflamme le 17 juillet 1901

 

(26) Lettre de Joseph Schmitt à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 juillet 1901

 

(25) Lettre de Henri Menier à Mgr J.C.K. Laflamme le 5 octobre 1901

 

(24) Permis de séjour du 15 août au 30 septembre 1901 délivré à Monseigneur J.C.K Laflamme par L.O. Comettant.

 

(23) En 1899, 16 journalistes ont visité l'île Anticosti. Voici ce qu'ils ont raconté.

 

(22) Titre en faveur de Louis Jolliet par Jacques Duchesneau, 1680

 

(21) L'île Ignorée, TOME 2, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 303 noms, 42 pages.

 

      L'île Ignorée, TOME 1, par Georges Martin-Zédé, manuscrit de Georges Martin-Zédé achevé en 1938, (archives de l'Université Laval), édité ici pour la première fois avec un index de 114 noms et 24 illustrations, 33 pages.

 

(20) Voir le vidéo, journal LE MONDE

Jerôme Verroust, journaliste français, parle du parcours de guerre de son arrière-grand-père, Fernand Le Bailly sur cet entretien vidéo au journal Le Monde. Fernand Le Bailly a séjourné sur l’île Anticosti à partir de 1896. Il était marié à Simone Lavigne, petite-fille de Oscar Comettant.

 

(19) Monographie de l'île d'Anticosti par le docteur Joseph Schmitt, 1904, 370 pages.

 

(18) À la mémoire de feu Arthur Buies, journal le Soleil, le 28 janvier 1901.

(17) Arthur Buies, journal le Soleil, Lettre à Ernest Pacaud, le 30 septembre 1899.

 

(16) Arthur Buies, journal Le Soleil, Anticosti, le 23 septembre 1899.

 

(15) La date de la mort de Jolliet, 1886, par l'abbé Cyprien Tanguay

 

(14) Projet de perpétuer le souvenir de Jolliet, 1980, par Luc Jobin, article de Monique Duval, Le Soleil.

 

(13) Lettre de Mgr Charles Guay à Mgr Clovis-Kemner Laflamme, 1902

 

(12) Notice sur l’île Anticosti par Jules Despecher (1895), 6 pages

 

(11) Anticosti par Damase Potvin (1879-1964), 6 pages

 

(10) Le journal de Placide Vigneau (1842-1926) 

 

(9) Histoire et légendes d'Anticosti. Jolliet, Gamache, Ferland, Vigneau et les naufrages, 6 pages.

 

(8) Lettre de Fernand Le Bailly à Mgr. Joseph-Clovis K. Laflamme en 1905.

 

(7) Correspondance du Consul de France, M. Kleskowsk.

 

(6) Cahiers-carnets-agendas de Martin-Zédé (1902-1928).

 

(5) Registre de pêche aux saumons (1896-1928) de Henri Menier sur l'île Anticosti.

 

(4) Entrevue avec Luc Jobin, par Lucien Laurin, le 8 avril 1982.

 

(3) Anticosti 1900, C. Baillargé, 14 pages. (Lire sur Ipad)

 

(2) Oui, j'ai aimé... ou la vie d'une femme, Thyra Seillières, 1943, conjointe de Henri Menier, 244 pages. (Lire sur Ipad)

 

(1) Anticosti, esquisse historique et géographique par Nazaire Levasseur, 1897, 40 pages. (Lire sur Ipad)

 

(0) Lettres de l'Ile Anticosti de Mgr Charles Guay, 1902, 312 pages.

Le 30 mars 2011

 

Rajout: 77 partitions musicales de la main de Lucien Comettant alors qu'il était gouverneur de l'Ile Anticosti. Ces documents dormaient dans une boite depuis 100 ans. Il s'agit de pièces musicales de style victorien pour piano (et violon).

 

Plusieurs livres ont été ajoutés dans la bibliothèque dont:

 

(1) La ville de Québec sous le régime français, volume 1, 1930, 549 pages 

     La ville de Québec sous le régime français, volume 2, 1930, 519 pages

 

(2) Zéphirin Paquet, sa famille, sa vie, son oeuvre. Québec, 1927, 380 pages. Notre arrière-grand-mère était la fille de Zéphirin. Il est le fondateur de la Compagnie Paquet de Québec.

 

(3) L'île d'Orléans, livre historique publié en 1928, 505 pages

 

(4) La biographie du docteur Ferdinand Philéas Canac-Marquis écrite par Nazaire LeVasseur, 1925, 276 pages. Ferdinand est le frère de Frédéric Canac-Marquis, notre arrière-grand-père.

 

Nazaire LeVasseur, l'auteur, est le père de Irma LeVasseur, première médecin femme canadienne-française et fondatrice de l'hôpital Ste-Justine. Il avait été l'agent de Henri Menier et de Martin-Zédé à Québec pour l'entreprise Anticosti.

 

Pauline Gill a récemment écrite un roman historique sur Irma LeVasseur et parle dans son livre de Nazaire LeVasseur et de Ferdinand Canac-Marquis, fils de Frédéric Canac-Marquis